-LE TAJ-MAHAL-
C’est un palais de marbre blanc. Si léger
qu’il semble flotter au-dessus du sol, comme aspiré dans le bleu du ciel. Un
palais que nul roncier ne protège, où repose une princesse endormie à jamais.
Le prince ne viendra pas la réveiller d’un baiser ; le prince, son amour
repose à ses côtés.
Ce palais de rêve, cette demeure de conte de
fées est un tombeau. Celui que Shah Jahan fit élever à la mémoire de son épouse
tant aimée, Arjumand, Mumtaz-I-Mahal, « L’Elue du Harem ».
Il était à Agra une coutume : chaque
année, lors du « Royal Meena Bazaar », les dames du Zenana avaient le
droit, exceptionnellement dévoilées, de vendre leurs bijoux et bibelots
précieux aux hommes de la cour du Grand Moghol. Là naissaient bien souvent des
romances, là se décidaient des unions. Une année, Jahangir étant empereur, la
jeune Arjumand à peine âgée de quatorze ans, avait été autorisée à paraître au
Royal Bazaar pour y proposer ses menus trésors de jeune fille ; des
parures d’argent bien modestes comparées aux trésors d’orfèvrerie, de
joaillerie, d’or, de perles et de pierres précieuses que montraient les autres
dames. Discrètement installée près de sa tante, sous un frangipanier, Arjumand
regardait s’avancer dans les allées bordées de roses et de jasmins, le Padishah
et sa suite. Dans ses pas, l’œil plus brillant que les diamants qui retenaient
l’aigrette de son turban, s’avançait d’un pas nonchalant Shah Jahan, son fils
ainé ; il admirait les éventaires et plus encore les marchandes d’un jour
dont pour la plupart, il voyait pour la première fois le visage.
Arjumand éblouie, ne pouvait détourner les
yeux de ce prince issu d’un conte ; et lui, croisant le regard de cette
jeune beauté, oubliant le cortège, s’avança vers elle. C’était lui, c’était
elle ! Il avait suffi d’un instant pour que naisse un amour éternel. Sans
songer même à marchander comme le voulait l’usage, il acheta toute la
bimbeloterie pour la somme astronomique de cent mille roupies. Somme dont la
jeune fille avait besoin pour nourrir des miséreux. Ni l’un ni l’autre ne
savaient que des années allaient s’écouler avant leur prochaine rencontre.
Shah Jahan, le soir même annonça à son père
son intention d’épouser Aramnjud. Mais il était l’héritier d’un empire et son
destin n’était pas de se marier à la fille d’un ministre, si influent et dévoué
fût-il. La vie du prince héritier d’un empire est dévolue à ses états et son
rôle est de former des alliances utiles. La nièce de l’empereur de Perse lui
était promise ; rompre cet engagement aurait compromis la paix entre les
deux peuples. Jahangir décida : qu’il épouse la princesse et plus tard il
ferait d’Armanjud sa concubine. Indigné, Shah Jahan refusa : la place de
son aimée était la première dans son cœur comme à la cour. Hélas, il dut céder
et la mort dans l’âme épouser la Persane.
Armanjud, fidèle, pendant trois années
refusa les meilleurs partis, au grand désespoir de sa mère qui la voyait
vieillir sans époux. Pensez ! seize ans ! qui voudrait d’elle
désormais ?
Pendant ces trois années, les amoureux ne se
rencontrèrent qu’une seule fois et de nuit, dans les jardins du palais
impérial. Ils se jurèrent à nouveau un amour éternel.
L’empereur Jahangir pour sa part, attendait le premier enfant mâle qui tardait à se
montrer. L’épouse persane de Shah Jahan en dépit de ses prières demeurait
stérile… et pour cause : Shah Jahan ne l’avait jamais touchée !
Quoi qu’il en soit, une épouse qui ne donne
pas d’enfant ne peut être gardée ; en dépit de ses protestations, la nièce
du Shah de Perse fut renvoyée à son oncle, assortie d’un somptueux dédommagement
en argent, bijoux, chevaux et éléphants.
Alors les noces d’Armandjud et de Shah Jahan
purent enfin être célébrées et la nouvelle épousée prit le nom de Mumtaz-i-Mahal.
Le mariage n’altéra en rien leur amour. Un amour si fort que jamais Shah Jahan,
à la réprobation générale, n’envisagea de prendre d’autres épouses, ni même
d’avoir des concubines… ne serait-ce que pour épargner à sa bien-aimée de
perpétuelles grossesses. Entre
naissances d’enfants vivants ou morts et
fausses couches à répétitions, Arjumand quatorze fois fut enceinte. Les
époux ayant juré de ne jamais se séparer, elle le suivait partout, tant au hasard des combats qu’il menait pour son
père, que plus tard dans la fuite et l’exil qui précédèrent son accession au
trône.
Ces périples, dans des carrioles pourtant
confortables mais soumises aux cahots de routes mal aplanies, ruinèrent peu à
peu la santé de l’impératrice. La quatorzième grossesse lui fut fatale.
Désespéré, Shah Jahan lui offrit ce rêve de marbre blanc au sein
duquel ils reposent, unis pour l’éternité.
2 commentaires:
Un vrai conte de fées !
Histoire magnifique!
et ce monument est une merveille
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