Claude nous informe..
Nabucco de Verdi est une
œuvre autant musicale que politique : elle évoque l'épisode de l'esclavage des
juifs à Babylone, et le fameux chant « Va pensiero » est celui du Chœur des
esclaves opprimés. En Italie, ce chant est le symbole de la quête de liberté du
peuple, qui dans les années 1840 - époque où l'opéra fut écrit - était opprimé
par l'empire des Habsbourg, et qui se battit jusqu'à la création de l’Italie
unifiée.
Avant la représentation,
Gianni Alemanno, le maire de Rome, est monté sur scène pour prononcer un
discours dénonçant les coupes dans le budget de la culture du gouvernement. Et
ce, alors qu’Alemanno est un membre du parti au pouvoir et un ancien ministre de
Berlusconi.
Cette intervention
politique, dans un moment culturel des plus symboliques pour l’Italie, allait
produire un effet inattendu, d’autant plus que Sylvio Berlusconi en personne
assistait à la représentation…
Repris par le Times,
Riccardo Muti, le chef d'orchestre, raconte ce qui fut une véritable soirée de
révolution : « Au tout début, il y a eu une grande ovation dans le public. Puis
nous avons commencé l’opéra. Il se déroula très bien, mais lorsque nous en
sommes arrivés au fameux chant Va Pensiero, j’ai immédiatement senti que
l’atmosphère devenait tendue dans le public. Il y a des choses que vous ne
pouvez pas décrire, mais que vous sentez. Auparavant, c’est le silence du public
qui régnait. Mais au moment où les gens ont réalisé que le Va Pensiero allait
démarrer, le silence s’est rempli d’une véritable ferveur. On pouvait sentir la
réaction viscérale du public à la lamentation des esclaves qui chantent : « Oh
ma patrie, si belle et perdue ! ».
Alors que le Chœur
arrivait à sa fin, dans le public certains s’écriaient déjà : « Bis ! » Le
public commençait à crier « Vive l’Italie ! » et « Vive Verdi ! » Des gens du
poulailler (places tout en haut de l’opéra) commencèrent à jeter des papiers
remplis de messages patriotiques – certains demandant « Muti, sénateur à vie
».
Bien qu’il l’eut déjà
fait une seule fois à La Scala de Milan en 1986, Muti hésita à accorder le « bis
» pour le Va pensiero.
Pour lui, un opéra
doit aller du début à la fin. « Je ne voulais pas faire simplement jouer un bis.
Il fallait qu’il y ait une intention particulière. »,
raconte-t-il.
Mais le public avait
déjà réveillé son sentiment patriotique. Dans un geste théâtral, le chef
d’orchestre s’est alors retourné sur son podium, faisant face à la fois au
public et à M. Berlusconi, et voilà ce qui s'est produit
:
[Après que les appels
pour un "bis" du "Va Pensiero" se soient tus, on entend dans le public : "Longue
vie à l'Italie !"]
Le chef d'orchestre Riccardo Muti : Oui, je suis
d'accord avec ça, "Longue vie à l'Italie" mais...
[applaudissements]
Muti : Je n'ai
plus 30 ans et j'ai vécu ma vie, mais en tant qu'Italien qui a beaucoup parcouru
le monde, j'ai honte de ce qui se passe dans mon pays. Donc j'acquiesce à votre
demande de bis pour le "Va Pensiero" à nouveau. Ce n'est pas seulement pour la
joie patriotique que je ressens, mais parce que ce soir, alors que je dirigeais
le Choeur qui chantait "O mon pays, beau et perdu", j'ai pensé que si nous
continuons ainsi, nous allons tuer la culture sur laquelle l'histoire de
l'Italie est bâtie. Auquel cas, nous, notre patrie, serait vraiment "belle et
perdue".
[Applaudissements à tout rompre, y compris des artistes sur
scène]
Muti : Depuis que règne par ici un "climat italien", moi, Muti, je
me suis tu depuis de trop longues années. Je voudrais maintenant... nous
devrions donner du sens à ce chant ; comme nous sommes dans notre Maison, le
théatre de la capitale, et avec un Choeur qui a chanté magnifiquement, et qui
est accompagné magnifiquement, si vous le voulez bien, je vous propose de vous
joindre à nous pour chanter tous ensemble.
C’est alors qu’il invita le
public à chanter avec le Chœur des esclaves. « J’ai vu des groupes de gens se
lever. Tout l’opéra de Rome s’est levé. Et le Chœur s’est lui aussi levé. Ce fut
un moment magique dans l’opéra. »
« Ce soir-là fut non
seulement une représentation du Nabucco, mais également une déclaration du
théâtre de la capitale à l’attention des politiciens.
»
Très émouvant ! Merci Pomme !
RépondreSupprimerGROS BECS
Magnifique... Émue à un point ! Merci de nous avoir signalé ce qui s'est passé à Rome. J'ai mis un lien chez moi vers toi...
RépondreSupprimerPomme, Olivier de "bloguer ou ne pas bloguer" mettra un lien ce soir vers chez toi, sur cet article... pour diffusion, ailleurs, également. ;)
RépondreSupprimerJ'espère que n'y vois pas d'inconvénient ?
grazie per il tuo amore per il mio paese, esso ricambia sempre chi lo ama con le visioni delle grandi bellezze naturali, artistiche, storiche
RépondreSupprimered umane che contiene
felice primo maggio
Je vous demande l'autorisation d'en faire un "1er Mai" chez moi, sur mon blog.
RépondreSupprimerMerci de vôtre réponse.
Je me souviens....
RépondreSupprimerBonjour Pomme, je viens de chez Olivier et j'ai vu votre lien.
RépondreSupprimerQue d'émotion! Que d'émotion. Chaque fois que j'entends ces chants, j'en ai des frissons et ici, c'est encore plus fort avec les spectateurs. A Genève, j'ai eu le bonheur de voir au théâtre l'opéra Nabucco.
Merci pour les mots et la vidéo.
Bien amicalement.