C'était un samedi, le premier samedi d'août. La matinée se traînait vers les torpeurs de midi. Paris, déserté depuis la veille, résonnait comme un appartement vide, on s'y sentait tout maigre tout chétif, perdu dans un pantalon trop grand. Les voitures clairsemées, tout étonnées de n'avoir pas le museau collé au pot d'échappement de la copine, fonçaient, chiens fous, dans ce ide rectiligne qui les happait, droit comme un dard, jusqu'à la Concorde, malheur au piéton! L'habituel matelas d'ouate sale à ras de bitume se réduisait à quelques effilochures fugaces et puait très supportablement.
Il flottait dans l'air un goût d'irréel plutôt grisant. Paris était à toi tout seul, chaque pavé, chaque garçon de café, chaque nuage, chaque femme, tu pouvais en faire ce que tu voulais. Il fallait se dépêcher d'en profiter, ça durerait un mois, pas plus. Le dépaysement des vacances, c'est à Paris, en août, qu'on le trouve. Les vacanciers ont emporté Paris-la-Merde aux Bahamas dans leurs valises, à nous Paris peinard.
En aôut, à Paris, les choses ne demandent qu'à basculer dans l'excessif. L'allégresse y devient folie, la malaise angoisse de mort. Le vide de la ville énorme fait échos et amplifie.
François CAVANNA
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