Je me fais septembre
appeler,
Plain de tous biens à
tous endroitz,
On peult en ma saison
trouver
Froment et vin, avoyne
et poys.
Tous hebergez pour une
foys,
Dont chacun doit par
grant’ raison
Adviser qu’en icelluy
moys
Soit bien pourvu pour
sa saison.
Khâlendrier des Bergiers Guiot Marchand 1496
SEPTEMBRE
– semaine 1 – jour 1 – US ET COUTUMES
Septembre humide
Pas de tonneau vide
Septembre, comme
son nom l’indique, était le septième mois de l’année jusqu’au jour où César
(Jules) décida sans lui demander son avis de le faire reculer à la neuvième
place.
En 1569, Charles
roi de France, neuvième du nom, pour faire honneur à son numéro, entérina cette
décision.
Septembre, bon
garçon est depuis resté où on l’a mis, et nous donne souvent les dernières
belles journées de l’été. Même si Charlemagne le nommait « mois des
vents », on dit de lui qu’il est le mai de l’automne.
Le 1° septembre, on
fête saint Gilles, athénien du VIII° siècle, qui fonda près de Nîmes une abbaye
qui porte encore son nom.
Mis à par le sire
de Rai de sinistre mémoire, les Gilles sont, dit la renommée, aimables et bons
garçons, mais peu fidèles en amour comme en amitié.
Et à propos de
Gilles, connaissez-vous ceux de Binches, dans les Flandres ?
Dans les villes du
nord et de l’est de la France, il est peu de défilés que ce soit pour Carnaval
ou quelque autre fête locale où l’on ne voit danser les Gilles surmontés de
leurs énormes coiffures en plumes d’autruches qui leur placent le visage au
milieu du corps ; en dépit du poids qu’elles représentent, ils sautent
vigoureusement et en cadence en faisant sonner les innombrables clochettes dont
sont garnis leurs mollets.
Ces Gilles
seraient le souvenir de danseurs Incas ramenés dans leurs cales par les
conquistadores espagnols.
Le 22 août 1549,
Marie de Hongrie, dame de Binches donna en l’honneur de son frère Charles Quint
et de son fils Philippe II d’Espagne, une semaine de fêtes somptueuses. Entre
autres bals, parades militaires et feux d’artifices, on fit défiler les Incas
en grand costume de cérémonie.
En souvenir de ces
journées mémorables, les Binchois ont gardé l’habitude, chaque année au moment
du Carnaval, de se travestir en « Sauvages du Nouveau-Monde ». On
donna aux danseurs le nom de Gil, qui se voulait de consonance espagnole.
Si vous avez un
amoureux écossais, n’attendez pas de lettre au courrier de midi ; vous
écrire aujourd’hui, croit-il, vous porterait malheur à tous deux.
Le départ
prématuré des hirondelles annonce un hiver précoce. Pensez à faire rentrer du bois.
Les vents qui sont
parfois violents en début de mois font tomber les branches mortes. Faites-en
des fagots : ils seront utiles pour allumer les premières flambées
odorantes de la fin de l’été.
N’allumez pas trop
tôt vos lampes, contemplez la danse des flammes ; écoutez crépiter les
tisons et songez aux brasiers qu’entretenait sous les volcans le Maître du Feu,
le puissant Héphaïstos.
SEPTEMBRE – semaine 1 – jour 2 - CONTE
Aux mois qui s’écrivent avec un R
Il faut mettre de l’eau dans son verre
Hephaïstos
On dit de Septembre qu’il est le mois de Vulcain, de l’ange Uriel qui
gardait le tombeau du Christ et du démon Thanuz, inventeur de l’artillerie.
Ni ange ni démon, Vulcain était un dieu-forgeron latin. On l’assimila
plus tard au grec Héphaïstos dont le culte a pris naissance dans l’île de
Lemnos. Il émigrera plus tard vers
l’Attique, puis en Sicile.
Personnification du feu terrestre et des volcans, Héphaïstos était fils
d’Héra ; je dis Héra car les avis
divergent au sujet de la participation ou non de Zeus dans la fabrication de
cet enfant mal-aimé.
Pas aimé du tout même, puisqu’à sa naissance, sa mère le trouva si
laid, que d’un geste désinvolte, elle le précipita du haut de l’Olympe.
Ce sont deux nymphes compatissantes,Thétys et Eurynomé qui
recueillirent le petit que la chute avait rendu boiteux d’une jambe.
Elles l’ont adopté et élevé dans leur grotte sous-marine où il restera neuf
ans.
Neuf années pendant lesquelles il apprendra tous les métiers du métal
et du feu : la forge, l’orfèvrerie, la joaillerie, et aussi la magie sans laquelle on ne peut venir
à bout de faire fonctionner les plus ingénieuses mécaniques, car il était
habile aussi à fabriquer des automates. Puis vint le temps pour lui de
rejoindre ses semblables. Il s’illustra d’abord en délivrant son père de la
plus effroyable des migraines. Le crâne de Zeus était si douloureux que le jeune dieu, le sachant immortel,
n’hésita pas ; d’un habile coup de hache, il y ouvrit une large fente. La
cause du mal, Athéna casquée et armée, en sortit au grand soulagement du Maître
de l’Olympe.
Il lui restait à se faire aimer de cette mère qui l’avait rejeté ;
dans chaque querelle qui l’opposait à son divin époux – et elles étaient
nombreuses- Héphaîstos prenait bravement son parti. Il ne réussit hélas qu’à
exaspérer le roi des dieux qui finit par entrer dans une colère telle qu’un
jour, il attrapa ce fils contrariant par
un pied, le fit tournoyer tel un caillou dans une fronde et le balança à
travers l’espace. Sur sa lancée, le pauvre Héphaïstos tourna, tourna, tourna
pendant un jour entier, et c’est à moitié mort, qu’il tomba sur l’île de
Lemnos, son autre jambe brisée. Secouru
par les habitants, il y installa sa demeure dans les profondeurs de la terre.
Désormais doté d’une démarche en zig zag qui prouve aux dieux malicieux que ce boiteux est bien le
fils du maître du tonnerre et des éclairs. Cette plaisanterie déclencha chez
les immortels le rire qu’Homère a chanté.
Héphaïstos, blessé, se jure qu’il aura sa revanche. En attendant, il retourne
à ses forges. C’est là qu’il faut le voire s’activer, entouré des effrayants et
gigantesque Cyclopes, leur œil unique roulant dans son orbite. Les ouvriers
formidables attisent la flamme d’au moins vingt gigantesques soufflets,
frappent sur des enclumes dans un vacarme assourdissant. La maître au torse
puissant, velu, à peine recouvert d’un chiton en lambeaux dominant ses
misérables petites jambes torses, son visage cuivré recouvert de sueur, la tête
coiffée du bonnet conique des forgerons dirige les travaux. Voilà, l’artisan
des dieux qui fabrique pour eux des armes, des ornements, des automates mais
aussi les murs de palais faits d’or et d’airain. Il donne à Pluton le casque qui rend
invincible, le trident à Neptune, des flèches à Artémis et Apollon. Il ne
s’oublie pas et pour compenser son infirmité,
se fabrique une paire de béquilles étonnantes : toutes en or, elles
ont la forme de jeunes filles, sur lesquelles il peut se reposer. Sa demeure
est faite d’un airain éclatant et incorruptible. Son trône est d’or et de
pierreries. Il va offrir le même à sa mère.
Le même ? Pas exactement. Héra flattée d’avoir reçu un trône plus
riche encore que celui de son époux s’y est majestueusement installée.
Malheureusement, quand elle veut se lever,
c’est une autre affaire. Mécanismes ingénieux ? Magie ?
Toujours est-il qu’elle ne peut le quitter.
Combien de temps est-elle restée prisonnière, écumant de rage, sous
l’œil ironique de Zeus, humiliée, assourdie par le rire de plus en plus
homérique de tout l’Olympe.
Quand ils eurent assez ri, les dieux convinrent qu’il était temps de la
délivrer et partirent en ambassade chez Héphaïstos. Il les reçut assis sur son trône. Il avait
changé son vilain chiton pour une tunique de lin immaculé, son visage était
rafraîchi et ses cheveux délivrés du bonnet de forgeron, bouclaient sur ses
épaules. Appuyé sur ses nymphes d’or, il était majestueux et presque beau. On
oubliait l’infirme. Il refusa tout net
de libérer sa mère.
Les dieux navrés, retournèrent sur l’Olympe. Arès le belliqueux, toutes
armes déployées, descendit dans les forges, bien résolu à faire céder l’entêté,
par la force s’il le fallait. Le forgeron et ses Cyclopes lui envoyèrent une telle volée de tisons enflammés qu’il dut battre en retraite.
Dionysos à son tour s’en fut à Lemnos suivi d’un âne chargé d’outres de
vin. Tout ce feu , toute cette chaleur, donnent soif et le forgeron sans
méfiance, accepta le cadeau. Dionysos le fit boire et quand il fut bien ivre,
l’arrima sans aucun mal sur le baudet .C’est dans cet équipage peu glorieux qu’Héphaïstos remonta
sur l’Olympe.
Ce n’est pas tout de ramener l’auteur du piège, encore faut-il le
décider à délivrer Héra.
Les négociations commencèrent : elles furent âpres et longues.
Héphaïstos le mal-aimé voulait une reconnaissance à la mesure des blessures qui
lui avaient été infligées.
Après avoir du le proclamer dieu du feu et des volcans, il fallut à
Zeus l’admettre aussi parmi les douze grands immortels.
Ce n’était pas assez : le plus laid de l’Olympe exigea la plus
belle. Il obtint pour épouse, la merveilleuse, l’incomparable Aphrodite.
SEPTEMBRE – semaine 1 jour 3 –
PAR ICI LA BONNE SOUPE
Pomme de reinette et pomme d’api
Petit tapis rouge,
Pomme de reinette et pomme d’api
La tarte aux pommes
Le vent qui fait tomber les branches mortes secoue aussi les pommiers.
Disputez quelques pommes tombées aux étourneaux, merles et mulots ;
nettoyez-les, épluchez-les et faites en des tartes. Citadins qui n’avez pas de
vergers, ignorez ces pochons d’eau sucrée que sont Goldens, Granny etc… qui ne
sont pommes que parce qu’on leur en a donné le nom. Dans quelques jours, vous
trouverez sur les étals la Reine des Reinettes, celle qui mérite amplement son
titre et sa couronne.
Sachez aussi qu’il existe à
Sainte-Gauburge dans le Perche, une Association des Croqueurs de Pommes qui
remet à l’honneur les variétés anciennes, sous formes de fruits à croquer ou
d’arbres à planter.
A Versailles, au potager du roi, on vous montrera les pommes préférées
du Roi Soleil, les tunnels où l’on conservait les pommes de garde et vous
pourrez même avant de partir acheter quelques kilos de la nouvelle récolte.
Il existe de nombreuses façons de faire la tarte aux pommes. Celle-ci
est la plus simple ; elle laisse toute sa place à la saveur des pommes.
On y va ! Préchauffez votre four : la tarte, comme nous
autres, aime à être saisie…mais
délicatement.Vous foncez (pas n’importe où, foncer c’est garnir le moule) donc
vous foncez votre moule de pâte feuilletée. Généralement, pour la tarte aux
fruits, je préfère la pâte brisée, mais le feuilleté convient aux pommes.
Si vous n’avez ni le temps ni l’habileté de confectionner votre pâte à
trois ou quatre tours, la pâte feuilletée du commerce est tout à fait
convenable (pour une simple tarte).
Vous piquez votre fond de tarte de quelques discrets coups de
fourchette et vous disposez vos quartiers de pommes en rosace ; assez
substantiels, les quartiers. Si vous avez utilisé des pommes tombées et que vos
morceaux soient irréguliers, mettez-les en vrac ; c’est moins gracieux
mais tout aussi bon. Saupoudrez de cassonade ou de vergeoise additionné
d’un souffle, d’un souvenir, d’une idée de cannelle. Miguaine à la cannelle,
aux noix, au gingembre, c’est bon pour les tartes de fin d’hiver, celles qu’on
fait avec des pommes de garde. Là, vous avez de jeunes pommes, ne les fardez
pas de parfums trop lourds.
Vous y êtes ? Vous pouvez enfourner pour… alors là… ça dépend de
votre four ! Je dirais (mais vérifiez) four traditionnel à 200° pendant
environ 25mn. En fait, c’est cuit quand ça sent bon et que la pâte et les
pommes sont bien dorées.
Au sortir du four, attendez un peu ; cette tarte, la plus simple
de toutes se déguste tiède.
SEPTEMBRE –semaine 1 – jour 4
– MOTS d’AUTEURS
Pluie du jour de Saint-Grégoire
Autant de vin de plus à boire
« Je suis le diable. Le diable. Personne n’en doit douter. Il n’y
a qu’à me voir, d’ailleurs. Regardez-moi si vous l’osez !
Noir, d’un noir roussi par les feux de la Géhenne. Les yeux vert
poison, veinés de brun, comme la fleur de la jusquiame. J’ai des cornes de
poils blancs, raides, qui fusent hors de les oreilles, et des griffes, des
griffes, des griffes.Combien de griffes. Je ne sais pas. Cent mille, peut-être.
J’ai une queue plantée de travers, maigre, mobile, impérieuse,
expressive- pour tout dire, diabolique…
COLETTE – La Paix chez les Bêtes
SEPTEMBRE – semaine 1- jour5 –
LE PANIER DE LA GLANEUSE
En septembre si trois jours il tonne,
C’est un nouveau bail pour l’automne.
LA COULEMELLE
Septembre, mal remis encore des
sécheresses et canicules de l’été, n’est pas aussi généreux qu’il le
souhaiterait. Quelques baies sauvages ne valent pas le temps qu’on passe à les
ramasser et à les traiter… sans compter les risques de désagréments internes
que pourraient provoquer celles qu’on aurait pris pour d’autres.
Mais si, quand se montre le
premier croissant de la lune, quelques ondées ont humidifié les bois et les
sentiers, glaneuse prend ton panier, hume l’odeur d’humus et de champignon,
suis le conseil de ton nez et pars à la rencontre de celle que tu ne peux ni
manquer ni confondre : la lépiote élevée, dite encore coulemelle.
Sa large ombrelle surmontant un
pied élancé, elle nappe les sous-bois, se dresse même en travers du chemin,
surprenant le chien court sur pattes. Laisse glaneuse, le lépiote âgée, aux
lamelles brunâtres ensemencer les lieux et préfère celles qui sont encore
fraîches et roses, voire même au chapeau encore refermé. Aucun risque de la
confondre avec l’une ou l’autre dangereuse amanite ; plus petites, elles
ne se montrent pas à la même saison. Consulte toutefois ton manuel qui saura
t’expliquer les différences de volves et d’anneaux, puis sans crainte, remplis
ton panier.
Certes, la coulemelle n’est pas
un des « grands » champignons que sont le cèpe, la girolle ou la très
distinguée morille. Elle saura néanmoins parfumer sauces et rôtis beaucoup
mieux que le caoutchouteux champignon de Paris. Poêlée avec un peu d’ail, peu
ou pas d’herbes afin de laisse son
parfum s’exprimer, elle ennoblira les pâtes et le riz.
Ramasse, ramasse glaneuse, la
coulemelle est généreuse ; elle se congèle parfaitement et saura au cœur
de l’hiver te faire souvenir du soleil doré de septembre.
SEPTEMBRE – semaine 1 – jour 6
– LA MUSE S’ AMUSE
A la Sainte-Onésiphore,
La sève s’endort.
C’est nous qui, sous la terre émue à notre haleine,
En cadence, frappons l’enclume souterraine
Dont l’Etna porte au ciel la nocturne lueur.
Nous sommes là, couverts d’une chaude sueur,
Occupés dans la nuit furieuse et sans astres
A fondre le métal que nos marteaux vont battre.
Il court, fusible et clair, s’allonge et s’étrécit ;
Brûlant, il étincelle,et, froid, il se durcit.
La flamboyante orgie éclate. L’on est ivre
De l’arôme du fer et de l’odeur du cuivre.
Voici de l’or qui fond et de l’argent qui bout ;
L’alliage subtil les mêle en un seul tout.
Notre peuple travaille, accouple, unit et forge !
La colère à forger nous saisit à la gorge
Et nous gonfle le muscle et nous brûle le sang.
Notre souffle inégal suit notre bras puissant,
Car, de tout ce métal qu’il martèle sans trêve,
S’aiguisent par milliers les lances et les glaives,
Et la bataille sort de notre antre guerrier.
Notre œil unique, c’est ton orbe, ô bouclier !
Et nos torses fumants que la scorie encrasse
Ont servi de modèle à mouler la cuirasse,
Et c’est nous, de qui l’œuvre obscur et souterrain,
Pour la ville aux dieux d’or fait des portes d’airain.
(extrait de la
Cité des Eaux) Henri de REGNIER
SEPTEMBRE –
semaine 1- jour 7 – Y’A UN TRUC
L’hirondelle en septembre abandonne
Le ciel refroidi de l’automne
Elles sont parties ! Les
nuits et les matinées sont de plus en plus fraîches. Les premières gelées ne
tarderont pas.
Les tomates qu’un été médiocre a
rendues tardives sont au mieux de leur forme et de leur saveur. Pour ne pas
perdre celles qui n’arriveront pas à maturité, consultez la météo. La télé pour
une fois se rendra utile.
Ramassez les toutes ;
enveloppez-les une à une dans du papier journal (il y a encore de beaux jours
pour la presse écrite). Placez-les dans des caisses que vous tiendrez dans un
endroit sombre à l’abri des gelées, des souris, des rats et autres prédateurs.
Au fur et à mesure de vos
besoins, vous les sortez de l’ombre et vous les mettez dans une pièce claire et
ensoleillée. L’idéal est une véranda. Elles finiront de mûrir et vous offriront
un souvenir d’été au début de l’automne.
Et si ça ne marche pas, vous avez
toujours la ressource de faire du coulis dont j’ai dû vous donner la recette il
y a quelques semaines.
Au fait, l’été n’est pas
fini…mais, on ne sait jamais…
SEPTEMBRE
– semaine 2 – jour 1 –US ET COUTUMES
A la Saint-Cloud sème ton blé,
Car ce jour vaut du fumier.
LA RENTREE
« C’était un matin
d’octobre. Un ciel tourmenté de gros nuages gris limitait l’horizon aux collines
prochaines et rendait la campagne mélancolique. Les pruniers étaient nus, les
pommiers étaient jaunes, les feuilles de noyer tombaient en une sorte de vol
plané, large et lent d’abord, qui s’accentuait d’un seul coup comme un plongeon
d’épervier dès que l’angle de chute devenait moins obtus. L’air était humide et
tiède. Des ondes de vent couraient par intervalles ? Le ronflement
monotone des batteuses donnait sa note sourde qui se prolongeait de temps à
autre, quand la gerbe était dévorée, en une plainte lugubre comme un sanglot
désespéré d’agonie ou un vagissement douloureux.
L’été venait de finir et
l’automne naissait. »
Que vient faire au mois de
septembre ce matin d’octobre sorti de La Guerre des Boutons de Louis
Pergaud ?
Il vient faire que c’était une
dictée récurrente du temps que j’étais écolière ; tellement que j’en sais
toujours les premières phrases par cœur.
Il vient surtout rappeler que les
dates des vacances scolaires avaient été fixées jadis, pour permettre aux
enfants des campagnes de participer aux travaux des champs sans manquer
l’école. L’agriculture s’est tellement mécanisée depuis que la moisson est
battue, rentrée, les champs sont labourés dès la fin août et la rentrée des
classes a lieu désormais dans les premiers jours de septembre.
Quand j’étais enfant, c’était le
dernier mois des vacances ; on venait de rentrer de la mer ou de la
montagne et nous passions, pour occuper
ces dernières semaines, aux mains des tantes et des grand-mères, qui sans
ordinateurs ni télé, savaient parfaitement nous occuper.
Sans rien changer à leur emploi
du temps, sans jamais nous ennuyer ni nous contraindre, elles nous enseignaient
une foule de choses utiles.
Aller aux mûres, connaître les
champignons, jardiner : comment, quand on sort un pied de pommes de terre,
ramasser les plus grosses et remettre en terre les petites pour la prochaine
récolte ; comment rendre les hortensias bleus ; pourquoi la clématite
aime avoir les pieds à l’ombre et la tête au soleil ; que si l’on entend
le train, c’est qu’il va pleuvoir ; que ce rayon de soleil éclatant juste
après l’averse « réchauffe un bouillon » et que justement de ce gros
nuage noir qui s’avance « il va tomber des curés ». On va ramasser
des fruits, on en met au tonneau pour cet hiver quand passera l’alambic ;
on en fait des confitures et on a droit, sur des tartines de beurre étalé sur
de larges tranches de pain bis, à l’écume toute chaude meilleure encore dans la
mémoire, que la confiture. On en fait aussi des tartes pour apprendre qu’il
faut parsemer la pâte de chapelure qui absorbera le jus des prunes.
Et quand il pleut, on joue au
Nain Jaune, au Rami, aux Petits Chevaux. C’est le temps aussi d’apprendre à
tricoter.
Les derniers jours, on se consolait de quitter les tantes et les
grand-mères en allant acheter trousses et cartables. La première trousse !
En cuir fauve, « façon croco », à trois volets : un avec tous
les crayons de couleur, un autre avec équerre, compas, règle et rapporteur et
sur le dernier, porte-plume, crayon gomme et taille crayon. Et aussi la boîte
de plumes sergent-major (et comment s’appelait l’autre marque de plumes, les
larges et plates ?). Il arrivait aussi qu’on nous offre un stylo
« plume ». Il fallait bien tout ça pour faire digérer le retour à
l’école.
Car tout le monde n’aime pas
l’école…
SEPTEMBRE – semaine 2 – jour 2 – CONTE
A la Sainte-Aubierge,
Vole fil de la Vierge.
Profession de foi du cancre
Moi, j’aime
pas l’école !
Et pis d’abord, la maîtresse, elle sait rien ! Elle arrête pas de
me poser des questions : Mais où est donc Ornicar ? Mais où est donc
Ornicar ? Tous les ans elle le cherche ; elle l’a pas encore
trouvé ! Qui a cassé le vase de Soisson ? Comment je pourrais le
savoir ? J’y étais pas ! Et de toute façon, c’est pas moi !
Et quand elle pose pas de questions, elle affirme des trucs pas
croyables ; par exemple, Charlemagne : l’Empereur à la Barbe
Fleurie ! Eh ben, il en avait pas de barbe ! Il paraît même qu’il savait pas lire. Ca l’a
pas empêche de devenir empereur !
Et pis, nos ancêtres les Gaulois : je vois pas comment ils
pourraient être les ancêtres de toute la classe. Ou alors, y’avait des Gaulois
en Chine et en Afrique !
Non, moi j’aime pas l’histoire ! J’aime pas les maths non
plus ! Ca intéresse qui les trains qu’arrivent pas à l’heure, les robinets
qui coulent, la vaisselle et les œufs qui cassent et pis les piquets de
clôture ; ça, les piquets de clôture ! les mecs, y sont même pas
fichus d’avoir assez de barbelés pour tous leurs piquets ! A nous
d’arranger leur coup !
En revanche, les vraies énigmes, on survole : qui était le Masque
de Fer ? deux lignes, trois minutes ! Qui a inventé les
nouilles ? Marco Polo ou les Chinois ? Personne ne pose la
question ! C’est pas scientifique !
Ah et pis les sciences ! parlons-en des sciences ! Leçons de
Choses ça s’appelle ! et là on nous raconte des trucs ! des trucs
difficiles à croire : par exemple, il y aurait dans un pavillon en
banlieue parisienne un cheval d’un mètre ; un maître étalon, ils
l’appellent ! Et ce serait, tenez-vous bien, parce qu’il mesure un mètre
que le mètre mesure un mètre ! A quoi ça ressemble ? Un cheval d’un
mètre, c’est pas un étalon ! Juste un poney !
J’aime pas le français non plus : toutes les semaines, composition
française ! Et là, il faudrait qu’on raconte tout ce qui se passe à la
maison : les vacances, le nouveau petit frère, comment est ma mère ,
comment est mon père, qu’est-ce qu’on fait le soir, à quoi je pense avant de
m’endormir… C’est discret, je vous jure ! Elle mériterait, la maîtresse,
que je raconte la vérité ! Elle aurait de quoi réfléchir pour le
trimestre !
Il y a aussi les Grands Auteurs ; pourquoi ils ont dit ci,
pourquoi ils ont dit ça, pourquoi ils ont mit une virgule là, un point virgule
ailleurs et qui ils étaient et ce qu’ils ont fait et pourquoi ceux du 17°
siècle sont partis à la campagne : Corneille sur Racine de La Bruyère boit
l’eau de la Fontaine Molière. J’irais bien, moi aussi , regarder les
oiseaux….Mais les vacances, c’est pas pour tout de suite… dans le fond, ce
qu’il y a de mieux à l’école, c’est les vacances
!
SEPTEMBRE – semaine 2 – jour 3-LE JARDIN EXTRAORDINAIRE-
A la Bonne-Dame de
septembre,
Tout fruit est bon à
prendre.
L’Hortensia.
En 1769, alors qu’il abordait les côtes de la Chine, le corsaire botaniste
Philibert Commerson découvrit simultanément une fleur alors inconnue en Europe,
et qu’un de ses hommes d’équipage était une femme. Hortense Barré, son
amoureuse, avait comme dans la chanson pris l’habit de matelot pour s’embarquer
à bord du navire. Philibert baptisa la fleur hortensia et en rapporta des
boutures.
L’histoire ne dit pas ce qu’il advint des amours d’Hortense et de
Philibert, mais depuis l’hortensia, qui se plaît particulièrement en Bretagne,
fleurit les jardins à la fin de l’été. Il forme de gros buissons roses qu’on peut
faire virer au bleu en lui mettant au pied, au mois d’avril, du sulfate
d’aluminium ou de l’ardoise pilée.
L’hortensia se taille peu, seulement quand il prend trop de place et
jamais en automne. Il faut lui laisser ses fleurs fanées qui protègent les bourgeons
du gel. Au printemps, on élimine les branches mortes, on ôte les fleurs qui ont
séché en prenant bien garde de ne pas casser la promesse de la fleur future qui
se trouve juste en dessous.
Les hortensias font merveille en
bouquets secs, aussi est-ce en septembre qu’on peut en prélever quelques têtes
qu’on fait sécher la queue en l’air dans un endroit chaud et sec, à l’abri de
la lumière pour ne pas ternir les couleurs.Une autre méthode consiste à les
placer dans un vase avec un peu d’eau qu’on laisse évaporer.
Quand votre hortensia est « à point », tout en écoutant Yvette
Giraud chanter « Mademoiselle Hortensia », (1946 paroles.net),
mariez-le avec des amours en cage et de la monnaie du pape, glissez dans le
bouquet, les sept épis de blé prélevés sur la dernière moisson qui vous
assureront pour toute l’année le pain dont vous avez besoin et vous voilà nourris
et fleuris jusqu’au prochain été.
SEPTEMBRE – semaine 2 – jour 4
-QUELLE HISTOIRE !
Pluie de septembre travaille
A vigne et à semailles
Septembre 1812 - .
Napoléon franchit le Niémen et entame la
campagne de Russie. Un automne
que Sophie Rostopchine, future comtesse de Ségur, n’oubliera jamais.
Cette année-là, son père, Fédor Rostopchine est
nommé gouverneur de Moscou ; il y achète le palais de la Loubianka, pour
loger sa famille qu’il fait venir de Saint Petersbourg. C’est une vaste demeure
que Sophaletta, (c’est ainsi que son père nomme la jeune Sophie), non plus que
ses frères et sœurs, n’aime pas : elle est sombre et humide.
L’armée de Napoléon approche ; Smolensk
brûle, sacrifiée par ses habitants. Le 30 août, Rostopchine fait placarder dans
tout Moscou des affiches exhortant les citoyens à la résistance.
Resister ! Sophie aurait aimé lutter au
côté de son père, mais… elle n’est
qu’une fille !
Le 1°
Septembre, Fédor évacue sa femme et ses enfants vers une campagne située
à une soixantaine de kilomètres de Moscou. Les adieux sont déchirants, Sophie
pleure et se bourre de ses biscuits préférés, des gimblettes qu’elle cache
derrière son dos. La bouche et les mains pleines, elle ne peut embrasser son
père.
Toutes les femmes sont entassées dans des
voitures . Sophie regarde par les vitres de la berline le désordre de
l’exode ; elle se sent mal. Elle est en proie à la première de ses
nombreuses et violentes migraines. Elle vomit ; elle a mangé trop de
gimblettes, sa gourmandise est punie. Sa mère la tance : elle doit se
tenir, ne pas s’écouter. Pourtant chaque cahot la porte au bord de
l’évanouissement ; le mal voyage du côté droit de son crâne au bas de la
nuque où il se loge. Elle claque des dents, la nausée persiste, elle n’a plus
rien à vomir.
Le voyage durera 36 heures, 36 heures de
souffrances. A l’arrivée, personne ne les attend, rien n’est prêt. Sophie
trouve enfin un lit, s’y écroule. Le regard sévère de sa mère ajoute encore à sa douleur et pour finir,
elle voit ses jupons tachés de sang ? Affolée, elle éclate en sanglots,
elle va mourir, le ciel la punit de tous ses pêchés et puis elle se souvient de
ce que sa sœur Nathalie lui a confié il y a peu…
Elle se sent misérable, sa condition de femme
soumise à ces désagréments qui l’écartent des choses passionnantes de la vie la
révolte…
Son frère Serge est lui resté à Moscou avec son père.
5 et 7 Septembre : bataille de la
Moscova ; 14000 blessés, 60000 cadavres dont 50000 russes.
Le soir même, le gouverneur Rostopchine fait
chanter un Te Deum ; le 8 Septembre, il ordonne de placarder dans toute la
ville cette proclamation :
« Au nom de la Sainte Vierge, je vous
convie à la défense des temples du Seigneur, de Moscou, de la Russie… Gloire
dans le ciel à ceux qui iront… Paix éternelle à ceux qui mourront ;
punition au jugement éternel à ceux qui reculeront… Prenez du pain seulement
pour trois jours ; allez avec la croix, précédés par les bannières que
vous prendrez dans les églises… »
Puis il fait enlever toutes les pompes à
incendie de la ville avant d’y laisser mettre le feu, le 14 Septembre. A son
grand désespoir, l’incendie épargne la Loubianka Sur 9000 maisons
moscovites, 700 resteront intactes, dont par un malencontreux miracle les deux
demeures des Rostopchine : Sokolniki et la Loubianka. Fédor en est au
désespoir
Afin de n’être pas épargné par l’holocauste
dont il était l’auteur et qu’il reniera plus tard, Il apprend, le 2 Octobre,
que l’armée se dirige vers Voronovo, l’immense propriété où Sophie à a
passé son enfance et qui deviendra sous sa plume le Gromiline de Général
Dourakine. C’est un domaine immense,
(20000ha de bois, 10000 de terres, 20000 de prairies), peuplé de milliers de moujiks
qui saluent leur maître en lui baisant les mains. Rostopchine dans un grand élan de solidarité envers
ses compatriotes qui ne lui en sauront aucun gré, se précipite à Voronovo qu’il
va sacrifier. Il ouvre les écuries, lâche les centaines de chevaux de son
haras, ouvre les volières où vivaient les perroquets et les oiseaux rares de
son épouse Catherine, libère les serfs qui hésitent à s’éloigner et met le feu
partout.
Le 23 Octobre, en représailles, Napoléon
ordonnera de faire sauter le Kremlin et la maison de Rostopchine ; les
deux bâtiments résisteront.
Sophaletta depuis son refuge a vu le ciel
embrasé comme par une aurore boréale. Mais ce qui va surtout la frapper, c’est
sur le chemin du retour, les cadavres, les décombres, les animaux perdus, les blessés
et l’abominable odeur de suie et de charogne qui empeste l’air. Devenue
comtesse de Ségur et écrivain, ses romans ne manqueront pas d’incendies. De
plus elle a bien retenu la leçon ; elle se souviendra plus tard et
notamment dans « Un Bon Petit Diable » que pour amener l’ennemi à
composition, rien ne vaut les allumettes.
Novembre 1812- Sophie rentre dans Moscou
saccagée : les rues, encombrées de 12000 cadavres, grouillent de rats et
de souris au poil devenu blanc. Elle a, pour sa part, du mal à reconnaître son
père dans l’homme hagard et hirsute qui n’a d’yeux que pour son épouse
Catherine.
SEPTEMBRE – semaine 2 – jour 5 – LE BESTIAIRE
ENCHANTE
La
Salamandre
Par une glaciale et
lumineuse journée d’hiver, à Chambord, François I° s’approchant d’une cheminée,
crut voir dans les cendres encore rougeoyantes, une ravissante créature en robe
de velours noir rebrodée d’or.
Lui qui aimait tant
les femmes, et par ailleurs grelottait dans les immenses salles de son beau
château, aurait bien voulu la rejoindre..
Las, c’était une
salamandre… dont on dit qu’elles sont les esprits du feu.
En souvenir de cet
instant de rêve, il choisit pour emblème la frileuse bestiole et la fit figurer
sur ses armoiries :
« D’azur à la salamandre couronnée d’or sur un brasier de gueules, au
chef aussi d’azur chargé de trois fleurs de lys d’or et soutenu d’une devise du
même :
J’y vis et je l’éteins »
SEPTEMBRE – semaine 2 – jour 6 – LIRE et RELIRE
Septembre en sa tournure,
De Mars fait la figure
Alphonse DAUDET
Ni les Lettres de mon Moulin
ni les Contes du Lundi ne font partie de ce qu’il est d’usage de
nommer « contes merveilleux », puisqu’on n’y rencontre ni fées, ni
sorcières, ni ogres, ni lutins ni aucun des êtres qui hantent les contes de
fées. Ce sont plutôt des nouvelles ou des chroniques, telle l’émouvante Dernière
Classe , qui relate un passage douloureux de notre histoire. Tel
aussi le Moulin de Maître Cornille dont les ailes tournent aux
vents de Provence, et el aussi ce joli poème en prose où le berger raconte Les
Etoiles à la « demoiselle » pour une nuit égarée.
Mais voici que Daudet nous parle
de légende avec celle de L’Homme
à la Cervelle d’Or qui pourtant relève de la
fable ; un fable triste certes .et pour nous consoler nous pourrons rire
avec celle de L’Elixir du Révérend Père Gaucher, qui déjà s’approche de la
légende. Cette légende, qu’il val nous
raconter dans Les Trois Messes Basses peuplée de fantômes. Et puis enfin, le
conte et ses merveilles s’insinuent chez le délicieux Sous-Préfet aux Champs où
parlent les fleurs et les oiseaux qui transformeront le fonctionnaire en poète.
Et enfin Blanquette la Petite
Chèvre blanche qui elle aussi parle à monsieur Séguin va trottiner sur
ses sabots vernis jusqu’au monde du Petit Chaperon Rouge où se tient en embuscade
le Loup qui va la dévorer.
Alors, qui osera contester à
Daudet sa place de « conteur » au rang de Perrault, des Grimm ou
d’Andersen ?
-…Quand la chèvre blanche arriva dans la montagne, ce fut un
ravissement général. Jamais les vieux sapins n’avaient rien vu d’aussi joli. On
la reçut comme une petite reine. Les châtaigniers se baissaient jusqu’à terre
pour la caresser du bout de leurs branches. Les genêts d’or s’ouvraient sur son
passage, et sentaient bon tant qu’ils pouvaient. Toute la montagne lui fit
fête…..
… Tout à coup le vent fraîchit. La montagne devint violette ;
c’était le soir….
SEPTEMBRE – semaine 2 – jour 7 – ON CONNAIT LA
CHANSON
Septembre humide,
Pas de tonneaux vides
Belle qui tiens ma vie
Belle qui tiens ma vie
Captive dans tes yeux
Qui m’as l’âme ravie
D’un souris gracieux,
Viens tôt me secourir
Ou me faudra mourir.
Pourquoi fuis-tu mignarde
Si je suis près de toi ;
Quand tes yeux je regarde
Je me perds dedans moi,
Car tes perfections
Changent mes actions.
Tes beautés et ta grâce
Et tes divins propos
Ont échauffé la glace
Qui me gelait les os ;
Ils ont empli mon cœur
D’une amoureuse ardeur.
Approche donc ma belle
Approche-toi mon bien
Ne me sois plus rebelle
Puisque mon cœur est tien.
Pour mon mal apaiser
Donne-moi un baiser.
SEPTEMBRE – semaine 3 –
jour 1 – US ET COUTUMES
Brouillards
d’automne
Beau temps nous
donnent
LA CHASSE
Les cris des
chiens, les voix du cor
Sonnent dans les
bois de Ferrières ;
L’écho de ces
rumeurs guerrières
Epouvante le frais
décor.
Les habits
d’écarlate et d’or
Resplendissent
dans les clairières ;
Les cris des
chiens, les voix du cor
Sonnent dans les
bois de Ferrières.
Les meutes ont
pris leur essor,
Et le cerf dans
les fondrières
Fuit, sentant
leurs dents meurtrières ;
Mais partout il
retrouve encore
Les cris des
chiens, les voix du cor.
Théodore de
Banville Les exilées. Rondels
A la mi-septembre, quand la nuit
tombe, on peut entendre dans les bois bramer le cerf : une sorte
d’aboiement rauque, un éternuement énorme qui fait songer à des êtres
fantastiques. Mais rien que de naturel, c’est juste le cerf qui appelle ses
biches.
Réputé dépourvu de fiel, il n’en
est pas moins un mâle jaloux qui ne tolère aucun rival : si un jeune
présomptueux tente de lui disputer sa harde, il le provoque en un duel parfois
mortel, car il peut arriver au cours du combat, que les bois s’entremêlent. Les
deux cerfs, ainsi immobilisés sont condamnés à mourir de faim, de soif et
d’épuisement.
C’est pourquoi les gardes-chasse,
quand deux mâles se disputent un territoire, en choisissent un qui sera
sacrifié au cours d’une chasse.
La chasse à courre n’est pas,
quand les règles de vénerie sont respectées, aussi cruelle qu’on veut bien
l’affirmer. On ne court qu’un seul animal, celui qui doit disparaître. Et
encore a-t-il toutes ses chances car le cerf est rusé. Quand il est fatigué, il
se cache et un autre cerf prend le relais qui fatigue chasseurs et
chevaux : il « donne le change » et comme on ne doit courir que
la bête désignée, il faut retrouver sa « voie ». Les chiens ne s’y
trompent pas, leurs aboiements disent l’ampleur de leur désarroi. Aussi le cerf
poursuivi n’est-il pas toujours pris et
en tout cas, jamais on ne laisse un animal épuisé mourir lentement à la merci
d’éventuels prédateurs. Quand il est pris, on l’achève au poignard. Cela
s’appelle le « servir ». On utilise de nos jours où l’on manie moins
couramment l’arme blanche, un fusil.
La chasse à courre (que je n’aime
ni ne pratique), est moins scandaleuse que la corrida puisqu’elle a au moins
une utilité : éliminer un animal pour éviter la mort de deux.
Les hommes ont de tout temps
chassé le cerf, animal si utile à leur survie qu’il fut divinisé.
Hésiode qui lui attribuait mille
ans de longévité – mais Hésiode était un poète – a contribué à en faire un symbole
de l’éternité.
Tout, dans le cerf, était
utilisé : la viande, la peau, les os, les tendons et sa ramure dont se
paraient chefs et chamans. Sous le nom de trophée, elle orne encore de nos
jours les salles des châteaux.
Quand l’humanité s’est hiérarchisée,
les seigneurs se sont réservé le droit de chasse en général et du cerf en
particulier. On raconte que l’empereur byzantin Andronic faisait poser des
cornes sur les demeures des femmes qui avaient eu ses faveurs, donnant ainsi à
leurs époux le droit de chasser le cerf ; d’où est venue
l’expression : porter des cornes.
SEPTEMBRE – semaine 3 – jour 2
– CONTE
Orages de
Septembre
Neiges de
Décembre.
ACTEON
Jeunes gens, jeunes
filles, ne vous vantez jamais d’être plus habiles que les Dieux. Cela les indispose
et leurs vengeances peuvent être terribles.
Actéon, prince de la
famille royale de Thèbes, avait été éduqué par un sage mi-homme,
mi-cheval : le centaure
Chiron, qui lui enseigna entre autres
connaissances, l’art de la chasse. Le jeune homme y devint fort habile. Il
était jeune, il était chasseur ; il était vantard. Il racontait partout
que la déesse de la chasse elle-même, ne pouvait l’égaler. Artémis le
sut ; les Dieux savent tout. Furieuse, elle résolut la perte de celui qui
se voulait son rival.
Actéon, sa meute et
ses gens partirent à la chasse un matin. L’été finissait, une légère brume
dorée laissait présager une journée chaude et ensoleillée. Le gibier ce jour-là
abondait, mais étrangement ne se laissait pas prendre. Aucun chasseur n’aime à
rentrer la giberne vide. Le prince mortifié, poursuivait la sauvagine sans
prendre garde au soleil qui s’élevait dans le ciel, sans même s’apercevoir
qu’il laissait derrière lui ses compagnons. Midi approchait, la chaleur de plus
en plus forte faisait haleter les chiens, certains fatigués se couchaient, mais
Actéon, miraculeusement rapide et léger courait l’arc à la main.
Il entra dans un
bosquet sombre et silencieux où il fut brusquement terrassé de soif et
d’épuisement. D’une grotte s’échappait un murmure d’eau courante, bientôt
accompagné de cris et de rires de jeunes filles. Il s’avança ; dans l’ombre fraîche une source s’écoulait
vers un bassin où des beautés, probablement des nymphes, s’ébrouaient en riant.
Elles étaient nues. La plus grande et aussi la plus belle avait relevé ses
cheveux retenus par un peigne d’or en forme de croissant de lune. De l’autre
côté du bassin, un arc et des flèches étaient posés.
Actéon captivé,
oubliait la fatigue et la soif. Avait-il reconnu la déesse ? il ne pouvait
en détourner les yeux.
Artémis rosit
d’émotion, de rage aussi car elle devait rester chaste et le chasseur était
beau. Le meurtre passa dans ses yeux. Son arc hors de portée, elle se baissa et
des deux mains éclaboussa le jeune homme en riant méchamment : «Va
maintenant si tu peux, te vanter de ce que tu viens de voir ! »
Chaque goutte qui
touchait Actéon faisait pousser sur sa peau, des poils. Une gerbe
aspergeant son visage
le transforma en mufle, ses cheveux devinrent ramure et
ses mains, sabots. Et pire
encore : son cœur qui jamais n’avait connu la crainte se mit à battre sans
contrôle. Affolé de peur, le chasseur devenu cerf, se sauva droit devant lui.
Il rencontra bientôt
sa meute : cinquante chiens blancs aux oreilles rouges, désemparés, sans
maître, sans ordres, lui sautèrent à la gorge, lui mordirent les jarrets. Il
tomba sur le sol. Lacéré, éventré, dépecé, sans pouvoir proférer ni un cri ni
une plainte, il expira, mis en pièces par ses propres chiens.
Calmée, repue, la
meute poursuivit son errance, cherchant partout son maître en aboyant à tous
les échos. Chiron les entendit et les prit dans sa grotte où il éleva une
statue en mémoire du prince infortuné.
SEPTEMBRE – semaine 3 – jour 3 – C’EST BON
SIGNE
Saint Lambert pluvieux
Est suivi de douze jours dangereux
LA
BALANCE
Septembre à la moitié de son parcours devient Vendémiaire ; on
peut commencer les vendanges.
Le vent de septembre qui « emporte les ponts ou tarit les
fonts », fait balancer la Balance. Le temps comme elle, hésite entre pluie
et soleil, entre tiédeur et frimas
Car la Balance est un signe d’air ; le moindre souffle
émeut son fléau, fait vaciller ses plateaux. Ne forcez jamais une Balance à
choisir ; entre le pour et le contre, son cœur chancelle.
Vénus donne à la Balance un
charme fou dont elle pourrait abuser ; mais la Balance hésite…la Balance….balance !
La douce brise de la Balance
ouvre la porte de l’automne, fait rougeoyer les douces braises du Sagittaire et
fait danser ses flammes.
La Balance indécise observe les terriens
Capricornes, Vierges et Taureaux et ne sait trop ce qu’elle doit en penser.
Les ondes du Cancer, du Scorpion,
du Poisson sourient à la Balance si douce pensent-ils, qu’elle ne peut les
rider. Qu’ils prennent garde ! Il arrive aux Balances exaspérées de
souffler en tempête sous l’œil impavide du Lion souverain et celui du Bélier
médusé.
SEPTEMBRE – semaine 3 – Jour 4 – LUSTUKRU
Gelée blanche
de Saint-Eustache
Grossit le
raisin qui tache
A
BON ENTENDEUR !
« Plus de sourds » , telle fut la première réclame en
faveur du pavé de bois. Pour ceux qui ne comprenaient pas comment les cubes de
bois créosotés pouvaient guérir de la surdité, on expliquait :
« Plus de sourds : tous écrasés ! »
C’est pour prévenir les suites de ce traitement trop radical qu’on a
introduit l’usage des grelots et des clochettes au cou des chevaux de fiacre.
Aujourd’hui, la même recommandation macabre est invoquée par les
fabricants d’automobiles, pour prouver « la marche absolument
silencieuse » de leurs machines. Et si l’on peut établir que le piéton
aplati ou mis en morceaux n’avait point l’oreille dure, le triomphe est
complet.
Les pauvres conducteurs et propriétaires d’automobiles sont excédés de
la trépidation de certains moteurs, ou du bruit de ferraille de certains châssis.
La voiture capable de passer sur le corps des promeneurs avant qu’on l’ait
entendue venir est évidemment, pour un vrai chauffeur, la voiture rêvée.
NOS LOISIRS- Septembre 1908
SEPTEMBRE –
semaine 3 – jour 5 – COURRIER du CŒUR
Le jour de la
Saint-Lambert,
Qui quitte sa
place la perd.
De George
Sand à Alfred de Musset
Ô mes yeux bleus, vous ne me
regarderez plus ! Adieu mes cheveux blonds, adieu mes blanches épaules,
adieu tout ce que j’aimais, tout ce qui était à moi ! J’embrasserai
maintenant, dans mes nuits ardentes, le tronc des sapins et les rochers dans
les forêts en criant votre nom et, quand j’aurai rêvé le plaisir, je tomberai
évanouie sur la terre humide…
SEPTEMBRE – semaine 3 – jour 6
– AH ! LA MODE DE CHEZ NOUS !
En Septembre soit prudent
Achète grains et vêtements
La toute première, sans doute, des publicités
de mode parut en 1780 dans la « Gazet van Antwerpen » où MM.
Cruysmans annoncent l’arrivée de beaux tissus des Indes.
Quant aux premières annonces illustrées et
consacrées à des robes, à des corsets, à des chapeaux, on les trouve dans les
périodiques féminins dont la présence apparaît en 1840 et ne fera que croître
pour atteindre sous le Second Empire une diffusion déjà importante.
Vers 1860, la multiplication des lignes de
chemin de fer et de bateaux à vapeur commence à vulgariser le tourisme.
Les voyageurs et leurs aimables compagnes, découvrent
des peuples dont les costumes ou les robes les intéressent vivement.
La mode va s’en « folkloriser »,
avec des détails empruntés à l’Andalousie aussi bien qu’à la Turquie, d’autant
plus que la couleur locale est alors mise en vogue par les récits des écrivains
et les tableaux des peintres.
Vêtir les hommes et les femmes, c’est,
jusqu’à l’apparition des machines, un artisanat qui emploie en Europe des
dizaines de milliers de personnes : tisserands, teinturiers,
de,ntellières, etc.
O, voit Pierre Coecke, le maître de Breugel,
se rendre à Istanbul pour y découvrir les secrets des teinturiers ottomans.
La dentelle fait vivre Bruges et dans le
Brabant des milliers de familles.
Mais dès 1810, les machines à tisser se
répandent et la mode devient une industrie aux marchés très étudiés.
Jo
GERARD – LA MODE 1830-1920 (Meddens 1978)
SEPTEMBRE –
semaine 3 – jour 7 – QUEL METIER !
A la Saint-Firmin
L’hiver est en
chemin
Le maréchal-ferrant
Héphaïstos était boiteux et mon
cheval aussi. Mais il était également habile artisan (Héphaïstos , pas le
cheval !). Aussi, ceux qui font métier du métal et du feu sont pour la
plupart ses dignes successeurs.
C’est ainsi qu’au temps des
chevaux, toutes les six semaines, au petit matin, on voyait arriver la
fourgonnette d’où sortait la forge portative de notre Héphaïstos et de son
cyclope ; un cyclope à deux yeux, soyons modernes.
Héphaïstos se nommait, se nomme
toujours grâce à Dieu, Monsieur Renard. Il venait du Perche et commençait
toujours sa tournée par nos chevaux qui étaient les plus matinaux de ses
clients. Il ferrait presque tous ceux du canton et entre cavaliers le mot
passait : dès que l’un d’entre nous perdait un fer, ou plutôt, car les
ferrures de Monsieur Renard étaient costaudes, quand le sabot devenait trop
long et que les clous commençaient à sortir, il prévenait aussitôt les voisins
de façon que notre maréchal ne se déplace pas pour rien.
Ils arrivaient donc au petit
matin, l’installation bloquant le passage du bus qu’attendaient les quatre ou
cinq enfants en partance pour l’école, à leur plus grande joie. Ils sortaient
les outils et passaient le tablier de cuir avant de commencer les opérations.
Impressionnantes dans la nuit
d’hiver ou dans la brume d’automne, les flammes et la fumée de la forge ;
joyeux les coups de marteau sonnant clair à toute volée sur les fers chauffés
au rouge.
Les chevaux attendaient
benoîtement leur tour, mollement attachés à un piquet planté dans la haie
d’aubépine aux grappes rouges. Ils levaient docilement un pied après
l’autre ; le gros Pégason se laissant porter de toute sa tendresse et son poids dans la lanière de cuir passée au
cou de Monsieur Hue (le Cyclope). Ca sentait bon la corne chaude et le
crottin ; les enfants regardaient, curieux. Aucun d’entre eux n’étant
épileptique, Héphaïstos n’eut jamais à exercer le don particulier fait aux
forgerons du pouvoir de guérir cette maladie, en étendant l’enfant sur
l’enclume (froide, je suppose) ; Il fallait ensuite brandir au dessus du
patient le marteau guérisseur.
Si on lui avait parlé de cette,
croyance, sans doute ça l’aurait fait rigoler, Monsieur Renard. Mais ce qu’il
guérissait bien en tout cas, c’était les pieds du boiteux ; plaques,
talonnettes, coussins de mousse ou parfois rien, chaque ferrure était
particulière. Et ce cheval, dont j’aurais du me défaire en raison de cette
boiterie intermittente, causée (pardon à ceux qui ne sont ni cavaliers ni vétérinaires)
par une ostéoarthrose des antérieurs, ce cheval n’a plus jamais boité sauf
quand, pour une raison ou pour une autre, il n’était pas ferré par Monsieur
Renard, ce bon Héphaïstos qui le chaussait
aussi bien que les meilleurs étalons du Haras du Pin où il enseignait
son métier.
Depuis quelques années, il ne
vient plus ici. Les deux chevaux galopent à présent dans les pâturages
éternels…. De temps à autre, Monsieur Renard de passage dans les environs, nous
envoie le bonjour….
SEPTEMBRE – semaine 4 – jour 1
– US ET COUTUMES
Si Matthieu pleure au lieu de rire,
Le vin en vinaigre vire.
LES NOMBRES : LE 9
Septembre qui fut le septième mois de
l’année au temps des Romains à reculé à la neuvième place quand les saints Jules et Grégoire ont
réformé le calendrier.
Multiple de trois, le neuf apparaît
assez souvent en souvenir des Muses qui étaient neuf , et de Déméter qui
chercha sa fille Perséphone pendant neuf
jours.
Les chrétiens pratiquants font souvent
des « neuvaines ».
Le tribut payé à Minos par Athènes tous
les neuf ans était de sept jeunes gens et sept jeunes filles. Ce qui
renvoie fort justement au nombre sept que ce joli mois rechigne à quitter.
SEPTEMBRE ‘ semaine 4 – jour 2
– CONTE
Septembre est
bien souvent
Comme un
second et court printemps
KER-YS
C’était un soir de brume, sur la lande
bretonne ; si la mer était proche, on ne la voyait pas. Alors, venant du
large, on entendit le glas : « Il y en a demain, qui ne rentreront
pas… ».
Mon compagnon se tut…
« Comment le savez-vous ?
-Ce sont les cloches d’Ys ! Quand il est
encore temps, elles sonnent le tocsin ; mais ce soir c’est le glas… Ys
n’est pas pardonnée.
-Racontez-moi l’histoire de la ville
engloutie. »
« Les pêcheurs vous diront que ces cloches qui
sonnent, sont celles d’une ville endormie sous les flots. Ville aux mille
palais, ville aux riches
églises, dont ces cloches de bronze accompagnaient jadis la vie de la cité
. Sonnant pour le travail et sonnant pour les fêtes, elles avaient pour mission
de surveiller la mer : sans que nul intervienne, quand des marins étaient en péril, on
entendait le tocsin.
Telle était Ker-Ys, la fière cité du roi Gradlon.
On avait pour la bâtir, emprunté des terres à
l’Océan ; et comme on redoutait que ce dernier ne vienne un jour réclamer
son dû, on l’avait entourée de fortes digues. De hautes murailles et un
ingénieux système d’écluses la préservaient des tempêtes et des fortes
marées. Ces écluses, portes de la mer,
ne s’ouvraient qu’au moyen de lourdes clefs que le roi Gradlon portait nuit et
jour enchaînées à son cou.
On venait de partout admirer les richesses de
Ker-Ys qui n’aurait eu aucun malheur à redouter si ses habitants n’avaient eu
des mœurs dissolus, entraînés qu’ils étaient dans la débauche par Dahud la très belle fille du roi Gradlon.
Si belle qu’aucun prince, aucun gentilhomme ne savait lui résister, tous un
jour ou l’autre passait une nuit dans la chambre de Dahud, et de sa chambre dans les flots quand il
fallait laisser la place à un nouvel amant.
Elle aimait rire et s’amuser et détestait le son
des cloches ; tout particulièrement le tocsin qui parfois venait attrister
ses nuits de plaisir ; le péril de la mer ne choisit pas son heure.
Le moine Gwenolé quittait souvent son abbaye de
Landevennec pour venir prêcher et adjurer les gens d’Ys de se réformer.
Mais la débauche leur convenait. Les
sermons de Gwénolé restaient sans effet et bien loin de leur donner des remords
ils poussaient à rire tous ces mécréants. D’ailleurs, trop riches, ils étaient devenus paresseux ; et tout comme leur
princesse, ils avaient pris en grippe le son des cloches qui, disaient-ils, les
faisaient lever trop tôt
Dahud finit par ordonner que les cloches ne sonnent
plus que les réjouissances. Pour cette raison nombre de marins périrent en mer.
Comme on ne devait plus sonner le glas pour les morts, leurs funérailles ne se
déroulèrent plus correctement. Dieu vit errer aux portes du paradis un nombre impressionnant d’âmes en peine.
Et Gwénolé toujours, prêchait le repentir. Dieu qui
voyait les efforts et le chagrin de son bon serviteur, finit par se lasser de
l’insolence de Dahud, de l’incurie de Gradlon et de l’impiété de leurs sujets.
Il prévint le moine qu’il était résolu à livrer la ville à Satan ; qu’il
pouvait cesser de s’occuper d’eux.
Gwénolé voulut quand même avertir Gradlon. Le roi
eut un instant la volonté de faire pénitence,
mais Dahud, ses amants et toute la cour rirent bien haut du prédicateur.
Du temps passa et comme aucune catastrophe ne vint troubler la cité, on oublia
les mises en garde du moine. Dahud triompha sans vergogne.
Un jour, entra dans le port un navire dont le
capitaine se mit à arroser d’or, le roi, la cour, la ville et ses habitants. Il
couvrit Dahud de présents et comme il était jeune et séduisant, la fille du roi
s’éprit de lui. Ce fut alors un jeu pour l’étranger d’obtenir d’elle qu’elle
dérobât les clefs d’or qui assuraient la sécurité de la ville.
C’est au temps des fortes marées que Dahud et son
amant firent boire Gradlon plus que de raison ; le capitaine fit boire aussi Dahud . Une fois
le père et la fille ivres- morts, le maudit s’empara des clefs. A l’heure de la
plus haute marée, il ouvrit les écluses. Les eaux s’engouffrèrent dans les rues
de la ville. Il n’y eut aucune scène de panique ; le raz-de-marée fut si
brutal que les gens n’eurent le temps ni de se réveiller, ni de se repentir. Le
flot les roula jusqu’en enfer. Les cloches auraient-elles prévenu les habitants
de la catastrophe si elles avaient pu sonner le tocsin ?
Gwénolé était au palais ce jour-là et Dieu lui
permit de réveiller Gradlon à temps pour
le sauver. Pendant que le moine sellait
les chevaux, le roi courut réveiller sa fille et l’entraîna avec lui. Le moine
n’avait prévu que deux montures ; le roi prit sa fille en croupe. Mais le
cheval qui devait porter deux cavaliers plus le poids de leurs péchés (et ceux
de Dahud étaient particulièrement lourds), ne pouvait courir aussi vite que
celui du moine qui filait comme le vent. Le cheval de Gradlon s’essoufflait,
renâclait, les eaux s’approchaient. Gwénolé, de la part de Dieu, adjura le roi
d’abandonner sa fille ; il refusa ; bientôt les vagues léchèrent les
sabots du cheval. Aussi, Dieu alourdit encore le poids des péchés de Dahud et
ce poids fut tel qu’elle dût lâcher prise. Libéré, le cheval bondit. Les flots
ralentissaient leur course à mesure que le cheval accélérait la sienne.
Gwénolé et Gradlon étaient sauvés ; en prenant
pied sur la terre ferme, ils purent voir l’Océan engloutir les clochers, les
palais et tous les monuments de la riche et fière cité d’Ys.
La ville est engloutie mais elle n’est pas
détruite ; elle repose en son intégrité sous la mer et pour que les
vivants s’en souviennent, elle fait tinter ses carillons. Ce sont ses cloches
que les pêcheurs de Douarnenez entendent dans la brume du soir.
Elles appelent les gens de la côte au secours des
navires en péril et sonnent le glas pour
les marins morts en mer.
Elles cesseront de sonner quand elles auront sauvé
autant de vies qu’elles en ont fait perdre.
Ce jour là, Ys sortira de la mer aussi belle qu’au
temps de sa puissance….
SEPTEMBRE
– semaine 4 – jour 3 – RIMES SANS RAISON
A la Saint-Michel
La chaleur remonte au ciel
THYMERAIS
Il vente sur le Thymerais nord
Il pleut sur la Butte aux Chiens
Le cerf brame, la forêt s’endort
C’est l’automne, il ne se passe rien…
Il vente sur le Thymerais nord
Il pleut sur la Butte aux Chiens
La neige est grise, le jardin dort
C’est l’hiver il ne se passe rien…
Il vente sur le Thymerais nord
Il pleut sur la Butte aux Chiens
Le coucou chante mais dehors
C’est le printemps il ne se passe rien…
Il vente sur le Thymerais nord
Il pleut sur la Butte aux Chiens
Le blé se couche un tracteur sort
C’est l’été il ne se passe rien…
SEPTEMBRE –
semaine 4 – jour 4 – DE TOUT UN PEU
A Sainte Justine,
Toute fleur s’incline
AMER INDIEN
Oh,
oui ! Je suis allé à l’école des hommes blancs. J’ai appris à lire leurs
livres de classe, les journaux et la Bible. Mais j’ai découvert à temps que ce
n’était pas suffisant. Les peuples civilisés dépendent beaucoup trop de la page
imprimée. Je me tournai vers le livre du Grand Esprit qui est l’ensemble de sa
création. Vous pouvez lire une grande partie de ce livre en étudiant la nature.
Vous savez, si vous prenez tous vos livres et les étendez sous le soleil en
laissant, pendant quelque temps, la pluie, la neige et les insectes accomplir
leur œuvre, il ne restera plus rien. Mais le Grand Esprit nous a fourni la
possibilité, à vous et à moi, d’étudier à l’université de la nature les forêts,
les rivières, les montagnes, et les animaux dont nous faisons partie.
TATANGA MANI , Indien
Stoney dans Pieds nus sur la Terre Sacrée – Terry Mc LUHAN
SEPTEMBRE
– semaine 4 -jour 5 – C’EST POUR RIRE
Plus on est con, plus on a
peur de passer pour un con
CAVANNA – Almanach 1985
SEPTEMBRE
– semaine 4 – jour 6 – CE SOIR JE SERAI LA PLUS BELLE
Servez Saint Cosme et Saint Damien
Vous vous porterez toujours bien.
Cataplasme de Bardane
Pour être la plus belle, il faut d’abord se tenir droite. Nous l’a-t-on
assez seriné : « Tiens-toi droite ! Si le vent passe, tu
resteras bossue ! »
Et après, ma foi, on a fait ce qu’on a voulu, on n’a pas écouté Mamie et
on récolte, torticolis et douleurs articulaires… c’est pas marrant !
Et ce qui n’est pas marrant non plus, c’est ces fichues fleurs de bardane
qui s’accrochent à nos pulls aux poils du chat, aux poils du chien et qui
grattent en plus !
Savez-vous qu’un désagrément peut en soulager un autre ?
Coupez la bardane, brûlez les fleurs pour éviter qu’elles ne se propagent
et gardez les feuilles que vous conserverez dans de l’huile.
Vous pouvez aussi confectionner un cataplasme comme suit : faites
macérer des feuilles fraîches de bardane pendant douze heures dans de l’eau
salée. Posez-les sur les parties douloureuses et gardez les pendant deux heures.
Le mal est envolé ? Vous êtes la plus belle pour aller
danser !!!!
SEPTEMBRE -
semaine 4 – jour 7 – LE PARTRIOLE
Le neuvièm’ mois de l’année,
Que donnerais-je à ma mie ?
Neuf bœufs avec leurs cornes,
Huit moutons blancs,
Sept chiens courants,
Six lièvr’aux champs,
Cinq lapins grattant la terre,
Trois rats des bois,
Deux tourterelles,
Un partriole
Qui va, qui vient, qui vole,
Un partriole
Qui vole dans ce bois.