A vous, amis des contes, des légendes, des êtres et des lieux étranges; amis des jardins, des champs, des bois , des rivières ; amis des bêtes à poils, à plumes ou autrement faites ; amis de toutes choses vivantes, passées, présentes ou futures, je dédie cet almanach et ses deux petits frères: auboisdesbiches et gdscendu.

Tantôt chronique, tantôt gazette, ils vous diront le saint du jour, son histoire et le temps qu’il vous offrira ; ils vous diront que faire au jardin et les légendes des arbres et des fleurs. Ils vous conteront ce qui s’est passé à la même date en d’autres temps. Ils vous donneront recettes de cuisines et d’élixirs plus ou moins magiques, sans oublier, poèmes, chansons, mots d’auteurs, histoires drôles et dictons… quelques extraits de livres aimés aussi et parfois les humeurs et indignations de la chroniqueuse.

Bref, fouillez, farfouillez, il y a une rubrique par jour de l’année. Puisse cet almanach faire de chacun de vos jours, un Bon Jour.

Et n'oubliez pas que l'Almanach a deux extensions: rvcontes.blogspot.fr où vous trouverez contes et légendes de tous temps et de tous pays et gdscendu.blogspot.fr consacré au jardinage et tout ce qui s'y rapporte.

mercredi 29 juillet 2009

L'Isabelle - Claude Seignolle (fin)



Mais je devinais qu’elle n’agissait plus d’elle-même. Elle s’approchait avec un horrible pas de somnambule ; une implacable marche d’automate.
Elle me revenait, apparemment inconsciente de moi.
Je la laissai m’étreindre.
Elle me serra fortement dans ses bras ; ils n’étaient plus que tièdes.
Je la sentis entière contre moi : elle mollissait, certaines parties déjà fluides.
Alors, épouvanté, je compris qu’elle se déposait sur mon corps sans que je puisse l’en empêcher : Isabelle se décomposait en ses couleurs qui me recouvraient à larges touches que je recevais perceptiblement comme si j’étais une toile : la toile d’Isabelle !
Je les sentais couler partout sur ma peau, d’abord douces de tiédeur ; mais, devenant épaisses et glaciales, elles m’imprégnèrent du froid de la mort et y séchant, s’incrustèrent jusqu’au plus profond de ma chair.
Incapable du moindre mouvement, raidi sur place, je ne pus bientôt continuer à me tenir debout.
Devenu une rigide statue d’homme tatoué d’une chatoyante Isabelle sans âme, je tombai à la renverse.
Je restai ainsi toute la journée, étreint par l’autre Isabelle indifférente mais douloureuse à mon être physique comme pétrifié ; souffrant à terre les mille martyres de la paralysie torturante alors que mon esprit, libre d’aller partout, pouvait juger mon impitoyable et incroyable situation.
Et, tant que ce fût le jour, je haïssais Isabelle comme personne jusque là.
Mais, la nuit revenue, je me sentis lentement délivré de cette mort qui n’était pas la mienne. Le froid et la raideur firent place à la tiédeur renaissante ; puis je m’allégeai lentement, et retrouvai ma souplesse habituelle.
Alors, délivré d’Isabelle, je la vis devant moi, ardente, défaite de moi comme de sa toile. Et elle fut tout de suite le soleil qui acheva de me ranimer.
Prenant passionnément mon visage entre ses mains, elle put y comprendre combien j’avais souffert par elle.
Nous pleurâmes ensemble de longues larmes amères et grisantes ;
Et nous nous aimâmes, fous l’un de l’autre.
Tel est à présent mon sort : je vous ai suggéré l’image de cette mèche qui, sortie, brûlerait à vue d’œil toutes ses forces de pétrole…
Chaque jour je souffre d’un glacial et momentané trépas ; chaque nuit délivré, entier à l’amour brûlant, je me consume rapidement.
Tour à tour, je hais et j’aime Isabelle, ma nymphomane.
Combien de temps encore pourrais-je tenir avec – Hélas, je m’en rends compte maintenant ! – mes frêles puissances de vivant ?…
… J’étais effaré et tellement conditionné par le climat ambiant, ainsi que par la sincérité de cette ruine d’homme, qu’il me sembla entendre claquer une porte à l’étage.
Il acheva de me reconduire ;
-… Elle attend, me dit-il doucement… à présent il faut que je vous quitte… je vous devine homme d’honneur pour taire ma désespérante et radieuse vérité… Et, si cela vous est possible, oubliez-la… Adieu, monsieur.
Il monta aussitôt dans sa chambre.
Je partis.
Longtemps après, arrivé à Conches, je sortis d’une telle brume intérieure que je crus m’être réveillé là.