A vous, amis des contes, des légendes, des êtres et des lieux étranges; amis des jardins, des champs, des bois , des rivières ; amis des bêtes à poils, à plumes ou autrement faites ; amis de toutes choses vivantes, passées, présentes ou futures, je dédie cet almanach et ses deux petits frères: auboisdesbiches et gdscendu.

Tantôt chronique, tantôt gazette, ils vous diront le saint du jour, son histoire et le temps qu’il vous offrira ; ils vous diront que faire au jardin et les légendes des arbres et des fleurs. Ils vous conteront ce qui s’est passé à la même date en d’autres temps. Ils vous donneront recettes de cuisines et d’élixirs plus ou moins magiques, sans oublier, poèmes, chansons, mots d’auteurs, histoires drôles et dictons… quelques extraits de livres aimés aussi et parfois les humeurs et indignations de la chroniqueuse.

Bref, fouillez, farfouillez, il y a une rubrique par jour de l’année. Puisse cet almanach faire de chacun de vos jours, un Bon Jour.

Et n'oubliez pas que l'Almanach a deux extensions: rvcontes.blogspot.fr où vous trouverez contes et légendes de tous temps et de tous pays et gdscendu.blogspot.fr consacré au jardinage et tout ce qui s'y rapporte.

vendredi 23 octobre 2009

LE VAUTOUR DE LA SIERRA - La parole d'honneur du bandit (3)


Sir Gevil Haye s’éloignait au petit trot de sa monture, plus ancré que jamais dans sa résolution de traverser la Sierra d’un bout à l’autre et d’autant plus décidé à le faire qu’on le prévenait et qu’on voulait l’en empêcher
Il trouvait un peu fort qu’on lui donnât des conseils, comme s’il était incapable de se diriger, et il ne pouvait admettre qu’un voleur de grands chemins pût l’empêcher, lui, Gevil Haye, de se promener où bon lui semblait.
S’il le rencontrait, le bandit apprendrait à qui il avait affaire et la perspective d’un combat donnait à l’impassible Anglais un petit frisson de plaisir.
Que risquait-il ? Il était pauvre et rien ne le retenait plus au monde…
Que pouvait-il espérer ?
La fortune, l’ambition, la gloire ?... C’en était fait à jamais.
L’amour ? Autre plaie qui saignait à son cœur.
Sir Gevil n’avait aimé qu’une fois dans sa vie…
Une exquise jeune femme, une Française. Le charme de cette créature avait pénétré la couche de glace dont il enveloppait son âme, et cet isolé, ce misanthrope, ce malchanceux avait mis dans cette passion tout ce que son être possédait de tendresse dissimulée et d’affection contenue.
Et quand, après une lutte sérieuse contre lui-même, il avait osé, lui, l’impénétrable, parler à cette femme des sentiments qui le troublaient, elle l’avait arrêté d’un geste en lui disant, le yeux dans les yeux :
- Moi aussi, je vous aime, sir Gevil… Mais j’ai un mari et je suis honnête. J’avais compris vos sentiments bien avant ce jour où vous m’en parlez et j’espérais que l’aveu n’en viendrait jamais sur vos lèvres… Car, maintenant, je ne dois plus vous voir et je m’estimerais coupable de vous écouter. Vous allez vous éloigner de moi pour toujours… Parce que je le désire… parce que je le veux… parce qu’il le faut… Mais si quelque chose peut adoucir votre peine, sachez que j’aurais mis ma main dans la vôtre… avec bonheur, sir Gevil, si j’avais été libre.
Deux années s’étaient écoulées depuis cette scène et depuis deux années, sir Gevil n’avait pu l’arracher de sa mémoire. Car il avait obéi… Il s’était éloigné… Mais des Indes en Efrique et d’Afrique en Europe, la douce image le suivait toujours et il conservait encore dans son oreille le son de la voix si chère qu’avait fait trembler l’aveu, pendant cet instant d’abandon.
Quand la santé déserte lentement, mais sûrement le corps d’un homme et que les obstacles insurmontables se sont amoncelés à plaisir sur son chemin, on comprend que son caractère s’aigrisse et qu’il supporte mal la contradiction.
L’ Anglais se révoltait donc à l’idée qu’un bandit de mélodrame pouvait culbuter ses projets et l’éloigner des solitudes où il rêvait de bercer ses souvenirs et d’étouffer ses regrets.
Il portait dans ses fontes deux bons revolvers chargés. C’étaient des armes à toute épreuve et d’une étonnante précision dans sa main. En dix secondes, il était sûr d’abattre trois agresseurs. Il avait, en son adresse, une confiance illimitée.
Il n’eut pas, d’ailleurs, à l’exercer ; car à trois heures de là, tandis qu’il chevauchait dans la Bocca di Jabili, une corde siffla, un nœud coulant tomba sur ses épaules, serra son cou et le désarçonna.
A demi étranglé, Gevil Haye tomba dans les pierres du chemin et s’évanouit.
Sir Gevil, au bout d’une heure, se ranima.
Des cahots le secouaient. Une vive douleur poignait ses bras. Il voulut les remuer ; mais il s’aperçut qu’il ne pouvait y parvenir.
Etonné, il ouvrit les yeux et chercha à se rendre compte de ce qui se passait.

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