A vous, amis des contes, des légendes, des êtres et des lieux étranges; amis des jardins, des champs, des bois , des rivières ; amis des bêtes à poils, à plumes ou autrement faites ; amis de toutes choses vivantes, passées, présentes ou futures, je dédie cet almanach et ses deux petits frères: auboisdesbiches et gdscendu.

Tantôt chronique, tantôt gazette, ils vous diront le saint du jour, son histoire et le temps qu’il vous offrira ; ils vous diront que faire au jardin et les légendes des arbres et des fleurs. Ils vous conteront ce qui s’est passé à la même date en d’autres temps. Ils vous donneront recettes de cuisines et d’élixirs plus ou moins magiques, sans oublier, poèmes, chansons, mots d’auteurs, histoires drôles et dictons… quelques extraits de livres aimés aussi et parfois les humeurs et indignations de la chroniqueuse.

Bref, fouillez, farfouillez, il y a une rubrique par jour de l’année. Puisse cet almanach faire de chacun de vos jours, un Bon Jour.

Et n'oubliez pas que l'Almanach a deux extensions: rvcontes.blogspot.fr où vous trouverez contes et légendes de tous temps et de tous pays et gdscendu.blogspot.fr consacré au jardinage et tout ce qui s'y rapporte.

vendredi 12 février 2010

ALMANACH MERVEILLEUX - FEVRIER - Semaine 2 – jour 6- LIRE ET RELIRE

Est-ce la neige sur les champs , blancs jusqu'à l'horizon, qui me fait ce matin penser à la Sibérie???


De Sainte-Béatrice la nuée
Assure six semaines mouillées

Soljenitsyne

Alexandre Soljenitsyne, est désormais libéré de toutes les prisons. Mais avant qu'on ne parle de goulag, il y avait en Russie le bagne où l'on envoyait déjà des écrivains.
Dostoîevsky, y fut condamné en 1849; il y séjourna quatre ans, suivis de six ans de résidence forcée en Sibérie.

Lettre à son frère du 22 février 1854:

"Le 11 janvier 1850, nous arrivâmes à Tobolsk. Après nous avoir présentés aux autorités, on nous fouilla, on nous prit tout notre argent, et on nous mit, moi, Dorov, et Yastrjembsky dans un compartiment à part, tandis que Spieschner et ses amis en occupaient un autre; nous ne nous sommes ainsi presque pas vus.
Je voudrais te parler en détail des six jours que nous passâmes à Tobolsk et de l'impression que j'en ai gardée. Mais ce n'est pas le moment. Je puis seulement te dire que nous avons été entourés de tant de sympathie, de tant de compassion que nous nous sentins heureux. Les anciens déportés (ou du moins non pas eux, mais leurs femmes) s'intéressaient à nous comme à des parents. Ames merveilleuses que vingt-cinq ans de malheur ont éprouvées sans les aigrir! D'ailleurs, nous n'avons pu que les entrevoir, car on nous surveillait très sévèrement. Elles nous envoyaient des vivres et des vêtements. Elles nous consolaient, nous encourageaient. Moi qui suis parti sans rien, sans même emporter les vêtements nécessaires, j'avais eu le loisir de m'en repentir le long de la route... Aussi ai-je bien accueilli les couvertures qu'elles nous ont procurées.
Enfin, nous partîmes. Trois jours après, nous arrivions à Omsk.
Déjà à Tobolsk, j'avais appris quels devaient être nos chefs immédiats. Le commandant étaiit un homme très honnête. Mais le major de place de Krivtsov était un gredin comme il y en a peu, barbare, maniaque, querelleur, ivrogne, en un mot tout ce qu'on peut imaginer de plus vil.
Le jour même de notre arrivée, il nous traita de sots, Dourov et moi, à cause des motifs de notre condamnation, et jura qu'à la première infraction il nous ferait infliger un châtiment corporel. Il était major de place depuis deux ans et commettait au su et au vu de tous des injustices criantes. Il passa en justice deux ans plus tard. Dieu m'a préservé de cette brute! Il arrivait toujours ivre (je ne l'ai jamais vu autrement), cherchait querelle aux condamnés et les frappait sous prétexte qu'il était "saoul à tout casser". D'autres fois, pendant sa visite de nuit, parce qu'un homme dormait sur le côté droit, parc qu'un autre parlait en rêvant, enfin pour tous les prétextes qui lui passaient par la tête, nouvelle distribution de coups, et c'était avec un tel homme qu'il nous falalit vivre sans attirer sa colère! et cet homme adressait tous les mois des rapports sur nous à Saint-Pétersbourg (...)
J'ai passé ces quatre ans derrière un mur, ne sortant que pour être mené aux travaux. Le travail était dur! Il m'est arrivé de travailler, épuisé déjà, pendant le mauvais temps sous la pluie, dans la boue, ou bien pendant le frois intolérable de l'hiver. Une fois, je suis resté quatre heures à exécuter un travail supplémentaire: le mercure étai tpris; il y avait plus de quarante degrés de froid. J'ai eu un pied gelé.
Nous vivions en tas, tous ensemble, dans la même caserne. Imagine-toi un vieux bâtiment délabré, une construction en bois, hors d'usage et depuis longtemps condamnée à être abattue. L'été on y étouffait, l'hiver on y gelait. Le plancher était pourri, recouvert d'un verschok de saleté. les petites croisées étaient vertes de crasse, au point que, même dans la journée, c'est à peine si l'on pouvait lire. Pendant l'hiver, elles étaient couvertes d'un verschok de glace. le plafond suintait. Les murs étaient crevassés. nous étions serrés comme des harengs dans un tonneau. On avait beau mettre six bûches danns le poêle, aucune chaleur (la glace fondait à peine dans la chambre), mais une fumée insupportable: et voilà pour tout l'hiver. Les forçats lavaient eux-même leur linge dans les chambres, de sorte qu'il y avait des mares d'eau partout; on ne savait où marcher. De la tombée de la nuit jusqu'au jour, il était défendu de sortir sous quelque prétexte que ce fût (...)
Pour lit, deux planches de bois nu; on ne nous permettait qu'un oreiller. Pour couverture, des manteaux courts qui nous laissaient les pieds découverts; toute la nuit nous grelottions. Les punaises, les poux, les cafards, on aurait pu les mesurer au boisseau. Notre costume d'hiver consistait en deux manteaux fourrés, des plus usés, et qui ne tenaient pas chaud du tout; aux pieds, des bottes à courte tige, et allez! marchez comma ça en Sibérie! On nous donnait à manger du pain et du schtschi où le réglement prescrivait de mettre un quart de livre de viande par homme, mais cette viande était hachée, et je n'ai jamais pu la découvrir (...)
J'ai passé plus d'un jour à l'hôpital. j'ai eu des crises d'épilepsie, rares, il est vrai. J'ai encore des douleurs rhumatismales aux pieds. A part cela, ma santé est bonne. A tous ces désagréments, ajoute la presque complète privations de livres. Quand je puvais par hasard m'en procurer un, il fallait le lire furtivement, au milieu de l'incessante haine de mes camarades, de la tyrannie de nos gardiens, et au bruit des disputes, des injures, des cris, dans un perpétuel tapage. Jamais seul! Et cela quatre ans, quatre ans! Parole! Dire que nous étions mal, ce n'est pas assez dire! ajoute cette appréhension continuelle de commettre quelque infraction, qui met l'esprit dans une gêne stérilisante, et tu auras le bilan de ma vie.
Ce qu'il est advenu de mon âme et de mes croyances, de mon esprit et de mon coeur, durant ces quatre ans, je ne te le dirai pas, ce serait trop long. La constante méditation où je fuyais l'amère réalité n'aura pas été inutile. j'ai maintenant des désirs, des espérances qu'auparavant je ne prévoyais même pas. Mais ce ne sont encore que des hypothèses; donc passons. Seulement toi, ne m'oublie pas, aide-moi! il me faut des livres, de l'argent: fais-m'en parvenir, au nom du Christ!
Omsk est une petite ville, presque sans arbres; une chaleur excessive, du vent et de la poussière en été, en hiver un vent glacial. Je n'ai pas vu la campagne. La ville est salle, soldatesque et par conséquent débauchée au plus haut point (je parle du peuple). Si je n'avais pas rencontré des âmes sympathiques, je crois que j'aurais été perdu. Konstantin Ivonitch ivanor a été un frère pour moi. Il m'a rendu tous les bons offices possibles. Je lui dois de l'argent. S'il vient à Pétersbourg, remercie-le. Je lui dois vingt-cinq roubles. Mais comment payer cette cordialité, cette constante disposition à réalise chacun de mes désirs, ces attentions, ces soins?... Et il n'était pas seul! Frère, il y a beaucoup d'âmes nobles dans le monde.


Sur le bagnes de Russie, vous pouvez aussi relire , d'Henri Troyat: "La Lumière des Justes", et aussi, le saviez-vous?, de la Comtesse de Ségur: "Le Général Dourakine".

 

 

3 commentaires:

anne des ocreries a dit…

terrible ! drôle de peuple, où le pire des brutalités peut côtoyer le plus grand raffinement....

Odile a dit…

Merci beaucoup Pomme pour ces textes. Dans les lectures que tu recommandes, je connaissais bien le second (mais j'ai un peu oublié je vais m'y replonger !) mais je ne crois pas avoir lu le premier. Merci de ce conseil de lecture ! Bonne journée à toi.

Enitram a dit…

C'est terrible! Insupportable et pourtant...