A vous, amis des contes, des légendes, des êtres et des lieux étranges; amis des jardins, des champs, des bois , des rivières ; amis des bêtes à poils, à plumes ou autrement faites ; amis de toutes choses vivantes, passées, présentes ou futures, je dédie cet almanach et ses deux petits frères: auboisdesbiches et gdscendu.

Tantôt chronique, tantôt gazette, ils vous diront le saint du jour, son histoire et le temps qu’il vous offrira ; ils vous diront que faire au jardin et les légendes des arbres et des fleurs. Ils vous conteront ce qui s’est passé à la même date en d’autres temps. Ils vous donneront recettes de cuisines et d’élixirs plus ou moins magiques, sans oublier, poèmes, chansons, mots d’auteurs, histoires drôles et dictons… quelques extraits de livres aimés aussi et parfois les humeurs et indignations de la chroniqueuse.

Bref, fouillez, farfouillez, il y a une rubrique par jour de l’année. Puisse cet almanach faire de chacun de vos jours, un Bon Jour.

Et n'oubliez pas que l'Almanach a deux extensions: rvcontes.blogspot.fr où vous trouverez contes et légendes de tous temps et de tous pays et gdscendu.blogspot.fr consacré au jardinage et tout ce qui s'y rapporte.

dimanche 7 février 2010

J.D Salinger - L' Homme Hilare (FIN)

... Quatre des balles des Dufarge atteignirent l'Homme Hilare en plein coeur. Quand Dufarge, qui se voilait toujours les yeux pour ne pas voir l'Homme Hilare, entendit s'élever un sinistre râle d'agonie à l'endroit où il avait tiré, il se sentit transporté de bonheur. Son coeur vil battant sauvagement, il se précipita vers sa fille évanouie et la ranima. Avec une joie mauvaise et le courage des lâches, ils osèrent alors regarder l'Homme Hilare. Sa tête pendait comme celle d'un mort, le menton touchant la poitrine sanglante. Lentement, avidement, le père et la fille s'approchèrent pour contempler leur forfait.Une énorme surprise les attendait. L'Homme Hilare, loin d'être mort, se concentrait pour contracter les muscles de son estomac selon une méthode secrète.. Comme les Dufarge arrivaient devant lui, il releva brusquement la tête, fit entendre un rire terrible et, sans un effort, d'un air détaché même, il vomit une à une les quatre balles qu'il avait reçues. Les Dufarge eurent un tel choc que leur coeur éclata littéralement. Ils tombèrent raide morts aux pieds de l'Homme Hilare. (Puisque, de toute manière, le chapitre devait être court, il aurait pu tout aussi bien se terminer là. Les Comanches se seraient arrangés pour trouver une explication rationnelle à la mort subite des Dufarge. Mais il ne se termina pas là).
Pendant des jours et des jours, l'Homme Hilare resta ligoté à l'arbre avec du fil de fer barbelé, les Dufarge se décomposant sous ses yeux. Saignant à flots, coupé de ses provisions de sang d'aigle, il n'avait jamais été aussi près de périr. Un jour, pourtant, d'une voix mourante, mais éloquente, il appela à l'aide les animaux de la forêt. Il les somma d'aller chercher Omba, l'adorable nain. Et ils le firent. Mais ça faisait un long chemin pour atteindre la frontière pariso-chinoise et revenir, et le temps qu'Omba arrive sur les lieux avec sa trousse médicale et sa provision de sang d'aigle, L'Homme Hilare était dans le coma. Le premier geste de pitié d'Omba fut de ramasser le masque de son maître, qui avait été traîné par le vent contre la poitrine rongée par les vers de Mlle Dufarge. Il le replaça respectueusement sur les traits hideux, puis pansa les blessures.
Quand les petits yeux de l'Homme Hilare s'ouvrirent enfin, Omba éleva vivement la fiole de sang d'aigle à la hauteur du masque. Mais l'Homme Hilare n'en but pas. Au lieu de cela, il prononça faiblement le nom de son bien-aimé Aile Noire. Omba, inclinant sa tête légèrement difforme, apprit à son maître que les Dufarge avaient tué Aile Noire. 
pour l'Homme Hilare, ce fut le chagrin final. Il poussa un soupir à rendre l'âme. Tristement, il prit la fiole de sang d'aigle et l'écrasa dans sa main. Le peu de sang qui restait coula, en mince filet le long de son poignet. IL ordonna à Omba de détourner les yeux, et, en sanglotant, Omba obéit. Le dernier geste que fit l'Homme Hilare, avant de tourner son visage vers le sol gorgé de sang, fut de retirer son masque. 
L'histoire se terminait là, bien sûr (elle ne fut jamais reprise). Le Chef mit le bus en marche. Dans la rangée où j'étais, Billy Walsh, le plus jeune des Comanches, éclata en sanglots. Aucun de nous ne lui dit de se taire. Quant à moi, je me rappelle que mes genoux tremblaient.
Quelques instants plus tard, quand je desendis du bus du Chef, la première chose qui me tomba sous les yeux fut un morceau de papier de soie rouge, que le vent rabattait contre le pied d'un réverbère. On aurait cru le masque en pétales de coquelicots de quelqu'un. J'arrivai à la maison claquant des dents, sans pouvoir me retenir, et on m'envoya directement au lit.

1 commentaire:

anne des ocreries a dit…

c'est la fin ? bin mince !