1080 et quelque…. Dans une région marécageuse et plate, seul émerge des brumes le donjon du manoir du sire de Gramouillay…., dans le village près de la mer, avait grandi le cadet d’une famille de trois enfants.
D’un père mort avant qu’il eut atteint sa cinquième année, il ne gardait que de vagues souvenirs. La légende familiale disait que le pauvre homme avait péri en tentant de porter secours à son aîné que des pirates enlevaient. La région abondait alors en ravageurs et malfaisants de toutes espèces qui semaient la panique jusque dans l’intérieur des terres. Ce sacrifice d’un manant plus brave que sa condition ne l’exigeait fut inutile ; le jeune Clodion fut embarqué. L’expédition et son otage firent voile en direction du septentrion emportant le garçon vers un destin que bien des années plus tard, à la veillée, on évoquait encore avec crainte.
La mère demeura seule pour élever les deux enfants qui lui restaient. L’oncle des deux petits, chapelain du seigneur du lieu, la fit engager comme lingère au manoir de Gramouillay dont dépendait le village. La famille, à l’abri des murs épais de la forteresse, vécut dans une relative sécurité qui permit au chapelain d’apprendre à ses neveux quelques notions élémentaires de lecture, d’écriture et de calcul, faisant ainsi des deux enfants des personnes exceptionnellement instruites pour leur époque et leur rang.
Berthe, la fille était pieuse et réservée, mais Guilly mérita bien vite son surnom de « terrible ». Ses espiègleries ne se comptaient pas et son assiduité à l’étude se remarquait moins que son goût prononcé pour les vagabondages en tous genres. Il lui arrivait néanmoins de se tenir tranquille pendant de longs moments. Par quel miracle ? L’amour de la musique !
Qui s’était éveillé à la chapelle et c’était, on peut bien le dire, l’unique raison pour laquelle il assistait régulièrement aux offices.
Un jour qu’il polissonnait sur la grève, assez loin du manoir, là où depuis la fin tragique de son père, il lui était en principe interdit de se rendre, il trouva une sorte de tronc d’arbre creux, fermé à son extrémité et fendu au milieu ; une pièce de bois polie et repolie par le sable et les marées. Guilly rapporta sa trouvaille au château, la nettoya, la cira, puis lui adjoignant quelques crins de cheval judicieusement répartis, en fit un instrument de musique qu’il baptisa « guimolle » et qui devint le plus précieux de ses maigres biens. Pourquoi « guimolle » ? Il aurait fallu le lui demander ! Or, Guilly s’il était passablement dissipé, était en revanche fort peu loquace. Lui posait-on une question, il répondait par oui ou par non, sans autre commentaire, ou bien il marmonnait dans ce qui serait plus tard sa barbe et qui n’était encore qu’un frais menton d’adolescent, quelques sons inintelligibles. Que bien entendu il se refusait énergiquement à répéter à qui n’avait pas compris et c’était évidemment le cas de la plupart de ses interlocuteurs.
(à suivre)
Célébrez les Lupercales dans les contes et semez des fèves au jardin.
1 commentaire:
Je VEUX connaître la suite !
Cochon qui s'en Guilly ... euh ...dédit.
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