Par un de ces petits matins pluvieux dont les premiers jours de juin
ont le secret, nous avons pris la route en direction du soleil, symbolisé par
la porte d’Italie.
Mon père qui était passé par hasard, voulant se rendre utile nous avait
dit qu’il fallait sortir par la Poterne des Peupliers. Les interventions de mon
père menant généralement à des catastrophes, nous aurions dû nous montrer
circonspectes et nous ne tardâmes à regretter notre belle insouciance. La Porte
d’Italie était déjà bien difficile à reconnaître défigurée qu’elle était par
les énormes travaux de raccordement à ce qui serait l’autoroute du Sud. Quant à
la Poterne des Peupliers, elle était bien indiquée par un seul et unique
panneau mais manifestement, il avait été oublié là et ne correspondait plus à grand-chose ;
à rien en tout cas à ce que suggérait à mon imagination les mots poternes et
peupliers. On ne voyait sur ce vaste chantier aucune forteresse et ce qui
s’élevait à hauteur d’arbre étaient grues et bulldozers. Nous n’avions plus
pour nous montrer la route que le soleil et comme je vous l’ai dit, ce
matin-là, il pleuvait. Nous avions quitté Boulogne vers huit heures du matin et
il n’était pas loin de midi quand nous avons enfin trouvé la Nationale Sept.
Certes, Trenet l’a chantée mais ce n’était pas une raison pour la
suivre jusqu’en bas. Je n’ai plus qu’une
idée très vague du chemin parcouru avant de rejoindre la Route Napoléon.
J’étais navigateur et je découvrais la difficulté de lire une carte quand on
voyage en direction du sud et que la gauche devient la droite. D’autant plus
que le temps des déviations commençait à sévir et je craignais tant de rater
une direction que je voulais absolument passer par tous les villages prévus et
ma mère me traitait d’andouille m’accusant de lui faire faire le tour de tous
les monuments aux morts de Paris jusqu’à Lyon. Elle avait pourtant dit qu’on
n’était pas pressées !
C’est après Lyon que l’enchantement a commencé avec le Vercors, puis
les gorges du Verdon, Dignes, Castellane. Tout au début de la sinueuse descente
qui mène de Barême à Castellane, la fourgonnette d’un boulanger nous doubla
intempestivement et, dit ma mère, si c’était pour rouler comme un limaçon, il
pouvait bien rester derrière. Une dizaine de virages plus loin, nous aurions
bien embrassé le bon samaritain qui nous « faisait la route » !
Est-ce une coutume en montagne ? il y a trois ans en Ardèche une
camionnette m’a rendu le même service.
Et nous avons continué, souvent au pas rythmé du son des cloches des
moutons en transhumance.. Je me souviens
d’un nectar d’abricot à l’ombre des arcades à Sisteron et enfin de l’arrivée.
La première vue de la mer, quand la route se fait bifide et la surplombe et
qu’elle paraît entre une parenthèse de pins parasols, métallique et bleue, d’un
bleu qui fait pâlir le ciel, d’un bleu qui absorbe le soleil… elle est là, on
ne la touche pas encore… elle est là, en bas, elle nous attend.
Elle nous attend ourlée de la vaste pinède où l’on accède par un
chemin de sable qui fend en deux un champ de hauts roseaux. Ne cherchez pas ce
chemin, ne cherchez pas la pinède ; voici trois ans, une amie que j’accompagnais
a tenu absolument à m’y conduire. Oh certes, La Favière existe toujours près du
Lavandou, mais plus de chemin entre les roseaux, plus de pinède en bord de mer ;
juste des rues des immeubles, du béton…
Retournons à ce mois de juin du début des années 60 et retrouvons les
cigales, la senteur des pins et cet endroit sauvage où nous allions planter
notre tente pour deux trop courtes semaines. Car la descente avait pris quatre
jours et nous comptions bien ne pas nous presser plus au retour.
Une famille Mouton régnait sur ce lieu magique au temps où ma mère
adolescente l’avait découvert et y régnait encore offrant à ses hôtes un
confort discret qui leur laissait l’illusion de l’aventure. Pour nous aider à
planter la canadienne et à décharger notre carrosse, l’aide ne manquait pas. J’avais
quinze ans , ma mère pas encore la quarantaine et le méridional est galant. C’est
après avoir sorti nos valises, la tente, ses piquets, quelques provisions et
divers achats souvenirs de notre périple que le jeune Mouton commis à notre
service se mit à inspecter l’intérieur et les abords de notre carrosse d’un air
perplexe. Il cherchait le cric et la roue de secours qu’il ne retrouvait pas.
Il aurait eu d’ailleurs bien du mal à le faire puisque c’était là le matériel
superflu que ma mère avait remisé à la cave au matin de notre départ.
4 commentaires:
merci pour ce voyage et la belle impression d'être dans la voiture...
par ce froid de canard cela fait un bien fou
belle soirée
jj
J'entends les cigales...
Faut dire, que la roue de secours dans le coffre avant, il ne reste plus grande place... ;)
Ah quelles aventurières !
Ah, j'attendais la suite du périple... Dis Pomme, tu écris bien, tu me tiens en haleine... :-)
A bientôt... en 4CV !
GROS BECS
Ah les périples en 4CV pour descendre sur la côte...
Une belle histoire vécue que tu nous racontes là !
Mon père avait une "traction" et c'étaient de vraies expéditions le trajet des vacances, il y avait tout dans la voiture jusqu'au pot de chambre quand nous étions petites. IL ne fallait surtout pas s'arrêter pour perdre sa "moyenne" !!!
Beau jeudi !
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