A l’âge du Nounours, j’avais un chien. Il faut dire qu’en Lorraine, la
guerre avait laissé des traces, on ne trouvait pas de tout et l’urgence n’était
pas les Nounours. Donc, j’ai eu un chien bleu et blanc avec une belle tête
ronde, de grands yeux et son corps était fait d’une sorte de velours très doux.
Elle (c’était une chienne) s’appelait Toufette.
Toufette m’a suivie longtemps au cours de divers voyages et
déménagements. Elle était toujours dans mes bagages et il arriva un temps où il
était préférable de rester discrète sur sa présence à mes côtés. D’autant plus
que j’ai toujours trouvé ridicules les dames qui jouent à la vieille petite
fille en collectionnant les peluches. Mais Toufette était Toufette et non une
peluche, n’est-ce pas ?
Au long de ma carrière d’enfant, j’ai eu d’autres peluches, des
poupées. Devenue adulte, ou du moins c’est ce que laissaient supposer mes
papiers d’identité, j’ai eu des chats, des chiens, des chevaux… Toufette était
toujours là… quand dans ma vie est entrée India.
India ressemblait pas mal à Toufette, mais elle était couverte de
fourrure noire et blanche et non de velours bleu. Un jour India a eu raison de
Toufette qu’elle a pris pour un jouet en peluche ordinaire.
Le velours âgé de près de 50
ans n’a pas résisté aux crocs solides d’une jeune King Charles de moins d’un
an.
J’ai ramassé les restes de Toufette dans un sac en plastique de deuil
(noir) et ils sont toujours quelque part dans la maison ; je les rencontre
parfois et j’espère qu’un être raisonnable profitera d’un moment d’inattention
de ma part pour les faire disparaître puisque je ne les cherche pas.. juste je
n’ai pas le courage de les jeter… Et ceci nous a emporté bien loin du Nounours
car il y a un Nounours..
Nounours est entré dans ma vie par un pluvieux soir de mai. Cette
année-là, j’avais seize ans, toutes les unités vivantes des générations
précédent ma mère étaient tombées malades et avaient été disséminées dans
divers hôpitaux, cliniques, maisons de convalescence de Nancy et de ses environs. Soucieuse des
égards dus à nos aînés, ma mère avait mis entre parenthèses ses ateliers, ses
chapeaux et, moi sur ses talons, nous avons fait retour au pays natal. Et comme
il ne fallait pas faire de course folle, l’expédition comprenait aussi des
visites aux tombes ; et là encore, les anciens n’avaient pas trouvé moyen
de voisiner sinon dans le même caveau du moins dans le même cimetière. Il
faisait d’ailleurs un temps de circonstance : un de ces temps
impardonnables, dont les mois de mai ont le secret. Tant et si bien qu’au soir
du dimanche, à la veille de rentrer à Paris j’étais dans une déprime totale.
Déprime telle que j’eus le courage d’en faire reproche à ma mère en lui
demandant si elle trouvait que c’était le genre de week-end qui convenait à
quelqu’un de mon âge.
Ma mère d’ordinaire peu disposée à faire droit à ce genre de
récrimination, pour une fois eut l’oreille compréhensive ; elle-même
n’avait alors pas quarante ans et il se peut que le programme des réjouissances
l’ait amusée autant que moi.
Tous les ans, à Nancy, se tient sur le cours Léopold, la foire de Mai,
la foire aux manèges la foire aux gaufres. Les gaufres Maire, rondes, plates et
les gaufres Vitali du format des gaufres habituelles mais vraiment bonnes. Chez
Maire , il y a aussi les choux à la crème, mais ce n’est pas le sujet. Donc ma
mère me dit : « Tu as raison ! ce n’est pas une vie ; viens
à la foire, on va manger des gaufres et faire un tour de Grand
Huit ! » Facile à consoler, j’ai illico retrouvé le sourire. Or il se
trouve qu’entre les gaufres et le Grand Huit, se tiennent bon nombre de
loteries, vous savez les gros ours, les belles poupées qu’on ne gagne jamais.
Eh bien, ce soir-là, ma Providence pour me dédommager de ces deux jours
sinistres, m’a fait gagner Nounours.
Nounours qui est toujours ici ; à qui j’ai récemment recousu une
oreille et que vous pouvez voir en photo, au pied du sapin. Oui… évidemment…
Nounours en tenue de Noël a un peu l’air d’une folle… mais Noël est une fête et
pour les fêtes , il est normal d’être gai…
Mais…. mais… mais… après tout, peut-être bien que Nounours est une
fille !
5 commentaires:
Comme j'aime ton histoire. Elle est tout à la fois triste et nostalgique et en même temps pleine de douceur et de tendresse. Je pense à Touffette enfermée dans son sac de deuil et je comprends que tu ne puisses pas t'en séparer. C'est comme un fil doré qui rattache au passé. Quant à Nounours qui t'a consolée de cette tournée des cimetières et autres maisons de santé, je trouve qu'il a l'air très heureux et très fier d'être toujours là et de trôner au pied du sapin.
Je t'ai lue avec vraiment beaucoup de plaisir.
Bon week-end à toi
Moi aussi - moi qui n'aime guère les peluches et n'en ai jamais eues - j'ai bien aimé ton histoire! India n'a pas supporté la concurrence, j'en suis persuadée. Et Nounours, malgré son âge, a fière allure.
Bonne fin de semaine!
Jolie histoire, un peu nostalgique, mais au moins ton Nounours est toujours là, lui. Quant à India, comment lui en vouloir, il fallait bien qu'elle se fasse une place dans ton coeur !
Une très belle histoire tendre et pas si triste finalement mais pas "gaie" non plus.
Je suis sûre que nounours est une nounourse à moins, à moins que tu n'habites....."la cage aux folles".
Gros bisous.
belle soirée
Ah, la voilà ta belle histoire de Nounours ! Franchement tu as l'art de fort bien conter Pomme... J'ai une tite larme à l'oeil :-)
GROS BECS
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