A vous, amis des contes, des légendes, des êtres et des lieux étranges; amis des jardins, des champs, des bois , des rivières ; amis des bêtes à poils, à plumes ou autrement faites ; amis de toutes choses vivantes, passées, présentes ou futures, je dédie cet almanach et ses deux petits frères: auboisdesbiches et gdscendu.

Tantôt chronique, tantôt gazette, ils vous diront le saint du jour, son histoire et le temps qu’il vous offrira ; ils vous diront que faire au jardin et les légendes des arbres et des fleurs. Ils vous conteront ce qui s’est passé à la même date en d’autres temps. Ils vous donneront recettes de cuisines et d’élixirs plus ou moins magiques, sans oublier, poèmes, chansons, mots d’auteurs, histoires drôles et dictons… quelques extraits de livres aimés aussi et parfois les humeurs et indignations de la chroniqueuse.

Bref, fouillez, farfouillez, il y a une rubrique par jour de l’année. Puisse cet almanach faire de chacun de vos jours, un Bon Jour.

Et n'oubliez pas que l'Almanach a deux extensions: rvcontes.blogspot.fr où vous trouverez contes et légendes de tous temps et de tous pays et gdscendu.blogspot.fr consacré au jardinage et tout ce qui s'y rapporte.

dimanche 21 avril 2019

Le Vautour de la Sierrra (6)

Une fois de plus, don Quebranta dévisagea l’Anglais, dont ses yeux perçants fouillèrent les prunelles.
Sir Gevil soutint le regard, froidement, sans crainte ni curiosité.
Le Quebranta avait vu tant de loques humaines trembler sous cet examen, que la sérénité de sir Gevil finit par l’intéresser.
Son œil s’adoucit et il reprit après une pause :
- Jamais je ne suis revenu sur ce que j’ai dit… Je m’en fais gloire. Je vous laisserai écrire à tous ceux qui s’intéressent à vous et dès que j’aurai reçu votre rançon, vous serez libre.
- Si vous voulez de l’argent, il me faut du temps, répondit sir Gevil. Je n’ai que ma pension, je vous ‘ai dit… Tout ce que je puis faire, c’est de demander à mon paus de l’échanger contre un capital…
- Cela arrange tout et votre gouvernement paiera, dit le Quebranta visiblement satisfait. L’Angleterre se ferait scrupule de perdre un de ses bons serviteurs.
- Un gouvernement se soucie d’un retraité comme vous d’un vieux vêtement. Mais qu’importe ! Si je suis ici, c’est par ma faute. J’étais prévenu et j’accepte les conséquences de ma maladresse.
-Dirons-nous cent mille francs ? interrogea don Quebranta comme pour attendre le marchandage du prisonnier.
-Oui, et restons-en là, dit l’Anglais d’un ton qui arrêtait toute discussion. Mais je crains fort que vous ne voyiez jamais cette somme. On calculera la durée probable de ma vie et le chiffre que vous fixez ne sera pas atteint. Vous en aurez peut-être les trois quarts.
-J’espère pour vous, dit l’Espagnol en martelant ses mots, j’espère, sir Gevil, que j’aurai tout. Ma désillusion aurait de graves conséquences… de redoutables conséquences.
L’Anglais ne dit pas un mot, ne fit pas un geste, laissant entendre que l’entretien devait se terminer. Don Quebranta se dressa alors, salua d’un coup de tête et rentra brusquement dans sa caverne.
Resté seul, Gevil Haye réfléchit un moment ; puis il écrivit au consul anglais de Malaga qui l’avait si bien mis en garde contre le tourisme dans la Sierra et il lui conta l’aventure.
« Proposez la combinaison que j’ai offerte, disait-il, et pressez les choses. J’espère vous revoir et vous serrer la main. »
Il cacheta sa lettre et attendit en rêvant.
Il s’était assis au seuil de la caverne et son regard perdu vers le lointain, suivait la molle ondulation des sapins qu’agitait la brise du soir.
Sir Gevil souhaitait autre chose que d’attendre le problématique résultat de sa démarche auprès du gouvernement anglais.
Il était dans la souricière, comment en sortir ?
Il songeait, non sans amertume, qu’il était faible, maintenant,  et que ses années d’action étaient passées… Son cerveau pensait et combinait avec la même puissance qu’autrefois ; mais il savait que pour un effort physique ses forces le trahiraient… Dure épreuve pour un homme de valeur, quand le corps trahit l’esprit !
Sir Gevil sentait son âme se révolter sourdement contre cette inéluctable impuissance. Il savair son cœur désormais incapable d’aimer ou de haïr et il connaissait encore l’angoisse des longs renoncements et des regrets impérissables.

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