A vous, amis des contes, des légendes, des êtres et des lieux étranges; amis des jardins, des champs, des bois , des rivières ; amis des bêtes à poils, à plumes ou autrement faites ; amis de toutes choses vivantes, passées, présentes ou futures, je dédie cet almanach et ses deux petits frères: auboisdesbiches et gdscendu.

Tantôt chronique, tantôt gazette, ils vous diront le saint du jour, son histoire et le temps qu’il vous offrira ; ils vous diront que faire au jardin et les légendes des arbres et des fleurs. Ils vous conteront ce qui s’est passé à la même date en d’autres temps. Ils vous donneront recettes de cuisines et d’élixirs plus ou moins magiques, sans oublier, poèmes, chansons, mots d’auteurs, histoires drôles et dictons… quelques extraits de livres aimés aussi et parfois les humeurs et indignations de la chroniqueuse.

Bref, fouillez, farfouillez, il y a une rubrique par jour de l’année. Puisse cet almanach faire de chacun de vos jours, un Bon Jour.

Et n'oubliez pas que l'Almanach a deux extensions: rvcontes.blogspot.fr où vous trouverez contes et légendes de tous temps et de tous pays et gdscendu.blogspot.fr consacré au jardinage et tout ce qui s'y rapporte.

jeudi 13 août 2009

La rançon de Mack - O'Henry (4)



Alors je me décide à opérer sur le champ. Je sauverai le vieux Mack si je peux. Voir un brave homme impropre et boucané, comme ça, se muer en coquelet pour les yeux d’une fillette qui suce encore son crayon et se boutonne encore dans le dos, c’était plus que je ne pouvais supporter sans réagir.
« Rebosa, dis-je sérieusement, mettant à contribution mes instincts et connaissances des intuitions logiques de la femme, est-ce qu’il n’y a pas un jeune homme à Pîna qui… un beau jeune homme duquel vous fassiez grand cas ?
-Si ! fait Rebosa en secouant ses renoncules. Bien sûr qu’y en a un ! Qu’est-ce que vous croyez ? Seigneur !…
-Est-ce que vous lui plaisez ? demandé-je. Qu’est-ce qu’il est dans le coup ?
-Dingo ! dit Rebosa. Maman n’arrête pas d’arroser les marches de la porte d’entrée pour l’empêcher de s’y asseoir. Mais j’pense que tout ça finira ce soir, ajoute-t-elle avec un soupir.
-Rebosa, dis-je, vous ne ressentez pas pour le vieux Mack le moindre effluve de cette agitation qu’on appelle l’amour, n’est-ce pas ?
-Ah ! Seigneur, non ! s’écrie-t-elle en secouant la tête. Je l’trouve aussi sec qu’un coup de trique. Quelle drôle d’idée !
-Quel est ce jeune homme que vous affectionnez, Rebosa ? demandé-je.
-C’est Eddie Bayles, qu’elle répond. Il est commis chez Crosby l’épicier. Mais il ne gagne que trente-cinq dollars par mois. Ella Noakes était folle de lui, y a pas encore longtemps.
-Le vieux Mack me dit, continuè-je, qu’il va vous passer ce soir à six heures les sacrées menottes de l’hyménée.
-C’est bien l’heure, qu’elle dit. Ca doit avoir lieu chez nous.
- Rebosa, dis-je, écoutez-moi. Si Eddie Bayles possédait mille dollars, mille dollars comptant, vous entendez bien, qui lui permettraient de s’acheter un fond de commerce, si, dis-je, Eddie et vous pouviez présenter la dite somme en guise de prétexte matrimonial, est-ce que vous consentiriez à l’épouser ce soir à cinq heures ? »
La jeune beauté me regarde sans répondre pendant une minute ; et c’est tout juste si je ne lis pas sur sa figure ces cogitations imperceptibles qu’elle est en train de brasser dans son fot intérieur, à la manière des femmes.
« Mille dollars ? qu’elle dit enfin. Bien sûr que j’y consentirais.
-Suivez-moi, dis-je. Nous allons voir Eddie. »
On se rend tous les deux chez Crosby, et on fait sortir Eddie de la boutique. Il a des taches de son et un air passable ; et , aussitôt après avoir écouté ma proposition, il est pris de tremblements nerveux.
« A cinq heures ? qu’il dit. Pour mille dollars ?… Saint Pain d’Epice, ne me réveillez pas ! C’est vous le tonton qu’a fait fortune aux Indes, pour sûr ! J’achèterai le fond au vieux Crosby et je prendrai sa suite. Oh ! chic ! »
Là-dessus nous entrons tous, et nous expliquons le coup au père Crosby. Puis je trace mille dollars sur un chèque et je le lui tends. Si Eddie et Rebosa se mariaient à cinq heures, le chèque était pour eux. Et alors, je leur donne ma bénédiction et je vais me balader dans les bois pendant quelque temps.
Je m’assois sur un tronc, et j’enfante des méditations sur la vie, la vieillesse, le zodiaque, les mœurs des femmes et tout le tohu-bohu qui emberlificote une existence humaine. Et je me congratule d’avoir probablement sauvé mon vieil ami Mack d’une attaque de mididémonite. Je sais qu’il m’en saura gré lorsqu’il se sentira guéri, et qu’il aura répudié son infatuation et ses souliers vernis. Mille dollars, me dis-je, pour rescaper le vieux Mack d’un coup de virus aussi grave, c’est bien payé, mais ce n’est pas trop cher quand même. Et par-dessus tout, je suis heureux d’avoir ainsi poursuivi mes études sur les femmes, et prouvé mon aptitude à déjouer les fourberies de leurs évolutions stratégiques.

2 commentaires:

anne des ocreries a dit…

c'est pas la fin quand même, si ?
Mack va être furieux non ?

P a dit…

Non, non , c'est pas la fin
PP