Le souffle de la révolte
Gérard Mordillat adapte à l'écran son roman "Les Vivants et les Morts", fresque sociale autour d'un combat ouvrier. A l’arrivée, une série en huit épisodes audacieuse et réussie.
Sans rien perdre de l'énergie vitale et du souffle épique du roman, le passage à l'écran s'impose à travers des partis pris forts. « J'ai fait le choix de la jeunesse, explique Gérard Mordillat. Je ne voulais surtout pas être dans le cliché passéiste de la brique noirâtre, de la cheminée qui fume entourée d'ouvriers proches de la retraite. Dallas, la véritable héroïne de cette histoire, n'a que 22 ans, elle a un enfant, un travail extrêmement dur, et comme avec son mari, ils sont endettés, elle fait des ménages et des extras dans une brasserie. C'est terrible : elle est au début de sa vie. Cette dimension très contemporaine de l'histoire me touche particulièrement. »
Loin de se laisser emprisonner par sa propre plume, l'écrivain-cinéaste s'est autorisé toutes les audaces et toutes les libertés : resserrer le récit ou fusionner plusieurs personnages en un seul. Au lieu du traditionnel résumé de début d'épisode, il montre « en accéléré » les événements évacués du scénario, ce qui permet des bonds de plusieurs mois dans le temps. « J'ai tout récrit. Si j'avais fait jouer à des acteurs les dialogues qui paraissaient saisis sur le vif dans le texte, ça n'aurait pas marché. La nature de l'ellipse littéraire n'a rien à voir avec la nécessité du jeu. » Certaines scènes entièrement remaniées ont trouvé un sens nouveau. « Dans le roman, la scène où Dallas et Varda, sa meilleure amie, se soûlent avait un côté enfantin. Dans la série, le côté sensuel est plus affirmé : il y a une liberté amoureuse, une fantaisie que l'une et l'autre ne connaissent pas dans leur couple. Puis la violence sociale resurgit... »
Le soin méticuleux apporté au choix des comédiens a été le prolongement de ce travail d'adaptation. Chaque rôle des Vivants et les Morts a la valeur d'un engagement : « Je voulais être sûr que tous les acteurs soient conscients de ce qu'ils allaient jouer, intellectuellement, artistiquement, politiquement. » En retour, Mordillat leur offre du sur-mesure, un personnage qui, loin d'être figé dans ses traits littéraires, se nourrit de leur personnalité et de leur vécu. « Pignard, le délégué CGT, par exemple, est au départ un personnage secondaire. Patrice Valota a réalisé un travail incroyable sur son vocabulaire, son attitude. Il s'est beaucoup inspiré de son père. Le résultat est bien supérieur à ce qui était écrit. » Dans le bruit des machines, porté par les slogans hurlés à la face du monde et par la réalité si proche des combats à mener, chacun semble avoir fait sienne l'inlassable révolte de Mordillat et de ses Vivants.
1 commentaire:
ça, à mon avis faudra pas le rater !!!
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