A vous, amis des contes, des légendes, des êtres et des lieux étranges; amis des jardins, des champs, des bois , des rivières ; amis des bêtes à poils, à plumes ou autrement faites ; amis de toutes choses vivantes, passées, présentes ou futures, je dédie cet almanach et ses deux petits frères: auboisdesbiches et gdscendu.

Tantôt chronique, tantôt gazette, ils vous diront le saint du jour, son histoire et le temps qu’il vous offrira ; ils vous diront que faire au jardin et les légendes des arbres et des fleurs. Ils vous conteront ce qui s’est passé à la même date en d’autres temps. Ils vous donneront recettes de cuisines et d’élixirs plus ou moins magiques, sans oublier, poèmes, chansons, mots d’auteurs, histoires drôles et dictons… quelques extraits de livres aimés aussi et parfois les humeurs et indignations de la chroniqueuse.

Bref, fouillez, farfouillez, il y a une rubrique par jour de l’année. Puisse cet almanach faire de chacun de vos jours, un Bon Jour.

Et n'oubliez pas que l'Almanach a deux extensions: rvcontes.blogspot.fr où vous trouverez contes et légendes de tous temps et de tous pays et gdscendu.blogspot.fr consacré au jardinage et tout ce qui s'y rapporte.

vendredi 4 octobre 2013

La retraite-



La guerre allait finir mais dans le village proche de Nancy où la famille était réfugiée, on ne s’en apercevait pas vraiment. Il faut dire qu’on y courait probablement plus de risques qu’en ville puisque la Seille, la rivière qui le traverse marque depuis 1870 la frontière entre Lorraine allemande et Lorraine française et qu’à chaque guerre, la ligne de front se situe dans les parages. Mais à Nancy on crevait de faim tandis qu’à Brin (sur Seille), les combats n’empêchaient pas les poules de pondre, ni les vaches de donner du lait, ni les pommes de terre de pousser dans les champs.
Les rumeurs pourtant allaient bon train ; le bruit du débarquement de Normandie était parvenu jusque-là, mais on en parlait peu ; ceux qui écoutaient Londres ne s’en vantaient pas. En revanche on entendait partout raconter que l’armée allemande, en se repliant pratiquait la politique de la terre brûlée, faisait sauter les ponts et incendiait les villages qu’ils traversaient.
Notre maison était la dernière du village. Il faisait nuit et la famille, c’est-à-dire cinq femmes réparties sur quatre générations dont un bébé (moi) et un seul homme, mon père, était attablée devant des assiettes peu garnies de ce que les poules et le jardin avaient bien voulu offrir. Le couvre-feu imposait des volets clos et des rideaux tirés ; une bougie donnait une faible lumière.
Soudain dehors, bruit de bottes et un ordre bref :  « Halt ! »
Silence… puis on entend les bottes entourer la maison. Quelqu’un a soufflé la bougie. Derrière la maison était un bûcher recouvert de tôles ondulée et sur les tôles des fagots. Les bottes se sont arrêtées devant le bûcher et on a entendu un liquide arroser les fagots. Et dans cette famille peu croyante, on a vu ma grand-mère , esprit fort s’il en fut et chef incontesté de la tribu, on l’a vue tomber à genoux , faire le signe de croix, joindre les mains et prier…
Enfin les bottes se sont rassemblées et sont reparties en bon ordre.
Mon père est sorti le premier avec dans chaque main une de ces grandes cruches en zinc avec lesquelles on allait chercher de l’eau au puits ou à la fontaine. Surpris de ne voir ni sentir aucune fumée, il s’est avancé dans le noir… Et c’est après avoir glissé pour tomber dans un bourbier malodorant qu’il a compris qu’il ne s’agissait que d’une halte indispensable à la bonne marche des troupes en retraite.


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