Interprétation au plan du sujet et rôle du groupe
Jung prenait d’abord le rêve comme drame intérieur dans lequel le rêveur et les acteurs interagissaient comme autant d’éléments de la personnalité du sujet. Drame — action — relation — dont le rêveur se doit de prendre conscience, pour un projet dont l’objectif est à jamais inconnu, soit dit en passant. C’est ce que Jung nommait interprétation au « plan du sujet ».
Il est aussi possible de lire un rêve au « plan de l’objet ». Dans ce cas, les acteurs sont des éléments de la vie objective du rêveur, mais une telle interprétation, outre qu’elle renforce souvent les projections faites sur des tiers, confère à la conscience une puissance et une tendance à la domination qui peut poser problème. La lecture des rêves nous apprend à faire le deuil d’une volonté de compréhension qui n’est qu’un des aspects d’une volonté de toute-puissance bien souvent néfaste à notre immersion dans le monde. La conscience ne domine pas les éléments, elle en est issue et comme une île volcanique surgie des flots elle grandit grâce au matériaux en fusion qui lui vienne de la profondeur. Elle en est construite, elle en dépend.
Pourtant si nous étudions attentivement la lecture que Daniel fait des rêves de Nabuchodonosor et de la vision de Balthazar, nous constatons qu’il se situe au plan de l’objet. Le roi est au centre de la scène et les éléments du rêve sont pris comme autant de représentations de ce qui se passe dans le royaume et auprès de ses sujets.
Une telle interprétation est-elle due au fait que nous sommes en présence d’êtres exceptionnels, les rois de Babylone ? Partiellement, oui.
Si nous revenons au contexte de ces époques, au 7ème siècle av. J.-C., la cosmogonie en place, avant l’émergence du monothéisme, situe le roi comme principal média entre les dieux et la masse indifférenciée des sujets du royaume. Autant dire que la conscience individuelle n’existe pas, c’est le roi, investi par les dieux, qui tient lieu de conscience pour tous. Ce qui revient à dire que, hormis le roi, nulle conscience n’existe, seul un gigantesque maelström d’où surgira bientôt Yavhé.
Vu sous cet angle le prophète Daniel se tient au « plan du sujet », puisque le roi n’est que la conscience d’un gigantesque corps constitué par le royaume et ses sujets. C’est ce qui explique la singularité constante de Daniel par rapport aux autres mages. N’a-t-il pas en effet « ramené » le rêve que Nabuchodonosor avait laissé « partir de lui » ? Daniel est là comme un élément de conscience avancée, quelques siècles en avant ; figure éclairante du monothéisme et des symboles d’unité...
Ceci nous confirme la difficulté qu’il y a à accueillir, puis à traduire les grands rêves collectifs. Non pas tâche impossible, mais nécessité de s’entourer de tous les éléments que la science nous fournit afin d’être dans un mouvement de lecture et non de compréhension.
Quant aux porteurs de cette lumière éclairante des images, notre monde semble en manquer et seuls quelques créatifs—artistes auraient le privilège d’être au centre d’un dialogue entre les deux rives de la psyché.
Illel Kieser El Baz,
Psychothérapeute, Psychologue clinicien
Toulouse, France
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Notes:
9. http://www.cybersciences.com/cyber/4.0/dec_jan98/entrevue.asp
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