« L’attachement
des époux et la tendre affection des amants sont des sentiments de nature et de
mœurs tout à fait différentes. Il ne peut donc être établie une juste
comparaison entre des objets qui n’ont pas entre eux ressemblance ni rapport. »
Ainsi
parlait au XII° siècle une femme en avance sur son temps. Soutien sans faille et source d’inspiration des
troubadours et des poètes, elle est pour cela femme de lettres sans
avoir écrit plus que des poèmes ou des sentences.
Née
en 1127 ou 1129, Ermengarde est la fille du vicomte Aimery II de Narbonne qui
est tué en 1134 à la bataille de Fraga. Elle hérite de son père mais elle n’a
que quatre ou cinq ans ; trop jeune pour gouverner, on lui donne pour
tuteur Alphonse Jourdain , comte de Toulouse qui doit lui rendre son domaine
pour sa quinzième année, ce qu’il n’envisage pas une seconde de faire. Le terme
arrivé, il est veuf et propose le mariage à l’adolescente. Certain de son
consentement, il a fait rédiger le contrat de mariage.
Mais
Ermengarde n’est pas une fille qu’on peut contraindre. Elle se réfugie chez
Raymond Béranger IV, comte de Barcelone, adversaire du comte de Toulouse. Contre une union qui
bouleverserait l’équilibre politique de La Région, il réunit sous la bannière
de Trencavel une coalition et Alphonse vaincu, doit rendre Narbonne à
Ermengarde.
Deux
ans plus tard, elle épousera Bernard II d’Anduze qui la laissera veuve au bout
de huit ans.
A
cette époque, Philippa, l’épouse de Raymond-Roger de Foix se retire dans une
maison de Parfaites. Ermengarde et Raymond-Roger se sont-ils consolés dans les
bras l’un de l’autre ? Loup de Foix est-il né de cette rencontre ?
Rien n’est certain, mais Ermengarde a vingt-cinq ans et va devenir tout comme
Aliénor d’Aquitaine l’égérie des troubadours occitans et de leurs « Cours
d’Amour ».
La
cour de Narbonne, sous Ermengarde, va devenir un lieu de haute culture. Médecins, juristes et poètes s’y rassemblent.
On y rencontre Bernard de Ventadour,
Peire Rogier, Raimon de Miraval et bien d’autres à qui on prête des amours plus
que courtois avec leur protectrice… et…
on ne prête qu’aux riches.
En
1186, André le Chapelain rédige un « Traité de l’Amour Courtois ».
Dans la seconde partie, « Comment maintenir l’Amour », il expose 21
jugements d’amour dont celui-ci attribué à l’ensemble des « Dames de
Gascogne » :
Le
véritable amour peut-il exister entre personnes mariées ?
Réponse : Nous disons et assurons, par la teneur des
présentes, que l’amour ne peut étendre ses droits sur deux personnes mariées.
En effet les amants s’accordent tout mutuellement et gratuitement, sans être
contraints par aucun motif de nécessité, tandis que les époux sont tenus par
devoir de subir réciproquement leurs volontés et de ne se refuser rien.
Que ce jugement que
nous avons rendu avec une extrême prudence et d’après l’avis d’un grand nombre
de Dames soit pour vous une vérité constante et irréfragable. Ainsi jugé, l’an
1174, le 3° jour des Calendes de mai.
A
Ermengarde dont nous avons vu plus haut l’opinion, il en attribue cinq.
Ce
traité, rédigé en langue d’oïl montre que l’influence d’Ermengarde allait bien
plus loin que les terres du Midi.
Toutefois
ce badinage pas toujours chaste ne lui fait pas oublier les devoirs de sa
charge. Fine politique, maniant le sourire avec autant d’adresse que les armes,
elle soutient le roi de France LouisVII contre Henri II d’Angleterre sans pour
autant négliger de se faire respecter de ses vassaux mal disposés à supporter
le gouvernement d’une femme.
Dans
cette région, sa position favorable à la couronne de France déplaît aux
seigneurs du Midi qui, comme le comte de Toulouse protègent les Cathares. Bien
qu’elle entretienne des liens privilégiés avec les cisterciens de Fonfroide à
qui elle a fait don en 1157 de l’abbaye,
des terres et des revenus qui vont avec , cette position chagrine aussi
l’Eglise qui n’admet pas le pouvoir d’une femme qui tolère la liberté de mœurs
et d’esprit des troubadours. Sa position remet en cause les fondements de
l’ordre social de l’époque.
Finalement,
son neveu Pierre de Lara va la contraindre à abdiquer. Retirée dans un couvent,
elle mourra en 1196, âgée de 67 ou 68 ans.
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