William FAULKNER - Lumière d'août
Vous qui venez souvent par ici , savez je crois, que je lis au hasard. L'actualité littéraire est si dense qu'une information chasse l'autre et que j'ai oublié aujourd'hui ce qui m'a tenté hier. Aussi, depuis longtemps, je laisse faire "Hasard", mon ami et mon maître, disait de lui Colette.
Bibliothécaire, j'étais submergée de "dons"; vous savez: "On ne jette pas un livre..." Mais comme on n'en veut plus, on le donne... à la bibliothèque... et ça fait des caisses et des caisses à évacuer. Pourtant, je n'ai jamais refusé; il y a toujours une perle à ramasser dans la pire des poubelles.
Là, c'était Faulkner: Lumière d'Août, en livre de poche jauni, corné et dont la pellicule s'effrite. Si la bibliothécaire consciencieuse se doit de l'écarter de ses rayons bien tenus, la lectrice amoureuse de littérature nord-américaine et qui n'avait pas lu celui-là, s'en est emparée.
Alors, Faulkner: toute la magie et le désespoir du Vieux Sud, comme dans Caldwell ou Tenessee Williams. Les plantations ruinées, les anciennes demeures à colonnades qui se désintègrent tout comme les vieilles familles autrefois aristocratiques et que la misère délite. Cette répulsion entachée d'amour déçu pour les "nègres", l'incompréhension, le déni de leur humanité; un peu comme si... imaginez un instant, qu'on ait déclaré votre chien aimé votre égal, qu'on lui donne le droit de vote et éventuellement celui d'épouser vos enfants. Et l'horreur intégrale, la détestation pour celui qu'on a cru blanc, avec qui on a partagé un moment de vie,et dont on découvre soudain que son sang est pollué de quelques gouttes de ce sang noir abhorré.
Tout ceci, bien d'autres écrivains l'ont aussi décrit; dans Lumière d'août, ce qui étonne surtout, c'est la construction du roman. Il raconte un fait divers horrible certes, cependant pas plus que d'autres mais qui n'est jamais relaté. On le découvre parcimonieusement, au cours des conversations, des méditations, des soliloques de chaque personnage. On n'en sait jamais plus que lui; on n'a que la tranche du fait divers que connaît celui qui est en scène, les mêmes ignorances, les mêmes interrogations. Le pire est quand le personnage, n'en pense rien, quand il n'en a rien à faire, préoccupé qu'il est de sa propre aventure dont on ne sait rien non plus et qu'on va devoir découvrir par les mêmes moyens.
Ce sera la somme de toutes ces informations partielles qui, à la finale, nous fera découvrir tout ce qui a maintenu notre curiosité, notre attention énervée, impatiente de savoir les pourquoi, les comment. Comme un patchwork dont on pourrait croire les morceaux assemblés au hasard, la somme des révélations éparses donnera une oeuvre magistrale.
Si je vous ai donné envie de lire Lumière d'août, il n'est peut-être plus en bibliothèque - les "désherbages y font des ravages - mais il est toujours édité, ou alors.... suivez-moi... Ce livre que j'ai aimé, je ne le garderai pas; je ne le jetterai pas non plus: je vais le partager. Un coutume est en train de naître: quand on a aimé un livre, on le laisse sur un banc de square, dans un train, sur le quai du métro, sur la table d'un café, pour que celle ou celui qui passe, à son tour s'émerveille d'une belle histoire...
Si quelque part, vous trouvez Lumière d'Août en livre de poche pas trop frais, dites-vous que peut-être, je viens de passer là.
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