Le Monde (et Claude)
13 septembre
2015
L'intention, affichée par certains maires, de trier les
réfugiés en fonction de leur religion, est une honte. Mieux vaut traiter par
l'ironie cette charité sélective et proposer à ces élus un test d'identification
du chrétien véritable
Les maires de Roanne et de Belfort ont annoncé leur
intention de participer à l'accueil des réfugiés dans leur ville, à condition
qu'ils soient chrétiens. On doit saluer cette initiative : non seulement, comme
l'a dit Marine Le Pen, les réfugiés sont un fardeau, mais, allons plus loin, il
ne manquerait plus que cela que parmi eux se cachent des terroristes. Il ne
suffit pas, en effet, pour lutter contre le djihadisme précoce d'exclure des
cantines les enfants qui ne mangent pas de porc, il faut pratiquer une sélection
rigoureuse dès le début et exclure les réfugiés suspects, donc musulmans. Après
l'immigration choisie, appliquons la charité sélective : tous les hommes sont
des frères, mais les chrétiens plus que tous les autres.
Et puis, nous dit le maire de Roanne, les réfugiés chrétiens sont
doublement des victimes : parce qu'ils vivent dans des pays ravagés par la
guerre et parce qu'ils sont persécutés dans leur pays en tant que chrétiens. Peu
importe, soit dit en passant, si les chrétiens ont plutôt été protégés par les
pouvoirs dictatoriaux en Irak et en Syrie, et si leur sort aujourd'hui n'est pas
pire que celui des sunnites. Un élu n'est pas obligé de savoir de quoi il parle.

Comment différencier les vrais chrétiens des faux chrétiens ? Le
certificat de baptême pourrait en faire foi. Mais ne soyons pas naïfs, s'il est
facile d'obtenir des faux papiers, pourquoi pas de faux certificats de baptême
? D'autre part, personne ne ressemble plus à un(e) Syrien(e) musulman(e)
qu'un(e) Syrien(ne) chrétien(ne).
Pour contribuer à la réussite de cette opération, et répondre de façon
anticipée à des objections qu'on ne manquera pas de leur adresser, voici
quelques modestes propositions de tests pour trier les vrais chrétiens.
1. On commencera par la cérémonie " Pinard et sauciflard ". Pour un
accueil public et festif, on ne se bornera pas à les accueillir avec des
pancartes de bienvenue, on leur servira un verre de rouge et du saucisson. Le
test est imparable. Ceux et celles qui refuseront de boire et de manger seront
renvoyés immédiatement chez eux.
2. N'écartons pas le cas de gens qui surmonteront leur répugnance pour
tromper la vigilance des gardiens de l'identité chrétienne de la France. Il faut
un second test qui a l'inconvénient de ne s'appliquer qu'aux hommes :
l'inspection des prépuces. L'ennui, c'est qu'il existe des chrétiens qui sont
circoncis. Les juifs le sont également. Il faut donc un troisième test.
3. Il ne suffit pas de se prétendre chrétien, il faut le prouver. Rien de
tel que de soumettre le et la réfugié(e) à un questionnaire de connaissance des
Evangiles et éventuellement des épîtres de Paul. Un questionnaire à choix
multiple auquel tout chrétien français sait répondre depuis sa communion
solennelle serait donc nécessaire.
4. Mais apprendre par cœur est insuffisant, si la conviction n'est pas là.
On demandera donc de chanter des hymnes, le chant est censé exprimer les
émotions. Ici, les choses risquent de se compliquer. Les chrétiens d'Orient
célèbrent la messe en arabe. C'est étrange, mais c'est ainsi. Mieux, ou pire,
certaines célébrations se font en araméen, la langue du Christ. Il faudra donc
prévoir des traducteurs arabe français et araméen français pour s'assurer que
ces postulants ne racontent ni ne chantent n'importe quoi.
5. Un problème délicat n'a pas encore été soulevé. Parmi les chrétiennes
d'Orient, nombreuses sont celles qui portent un foulard qui couvre leurs
cheveux. Comme l'inspection des prépuces ne les concerne pas, il faudrait leur
imposer de ne porter leur foulard qu'à la messe : un engagement écrit.
6. Si les candidats à l'accueil au titre de réfugiés ont passé avec succès
ces tests, dans le souci de s'assurer que leur foi chrétienne est sincère et
durable, on leur fera signer un engagement à assister aux messes et autres
célébrations chrétiennes de Roanne et de Belfort.
7. Il faut, pour terminer, soulever un problème qui risque de se poser et
se préparer à le résoudre. On sait que le christianisme a connu des schismes et
des disputes théologiques graves. Espérons que nos nouveaux chrétiens venus
d'Orient ne se proposent pas de rouvrir les querelles sur la nature du Christ ou
de Marie.
Rassurons-nous, il y a peu de chance que cela intéresse quiconque chez
nous.
En revanche, il est possible qu'un des chrétiens en vienne à poser des
questions qui touchent au cœur de l'Evangile du Christ et demande si un chrétien
ne doit pas faire siennes les paroles de l'apôtre Paul disant : " Il n'y a
plus ni juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme
ni femme " (Gal. 3, 28) et " Gloire, honneur et paix pour quiconque
fait le bien, pour le juif, puis pour le Grec ! Car devant Dieu, il n'y a point
d'acception de personnes " (Rom. 2, 10), en précisant qu'on peut remplacer
" juif " et " Grec ", qui renvoient au contexte de l'époque de Paul, par "
Arabes ", " musulmans ", " athées ", ou tout ce qu'on voudra.
Que lui répondre s'il traduit les paroles de Paul ainsi : " Pour nous,
chrétiens, il n'y a ni musulmans ni Arabes, tous ceux qui souffrent de
l'oppression sont les bienvenus " ?Je suis d'avis qu'on devrait le renvoyer
chez lui pour cause de trouble à l'ordre public.
par Jean-Claude Bourdin philosophe, spécialiste des
matérialistes philosophiques
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