Les cheveux châtain clair, quand on
vieillit sont une bénédiction (à la condition toutefois de ne pas les avoir
bricolés à coups de teintures plus ou moins toxiques et elles le sont
toutes !). Ils éclaircissent progressivement en passant par tous les tons
de blond jusqu’au platine et souvent ne vont pas au-delà.
L’envers de la médaille, ce sont
les copines qui veulent savoir comment on a fait pour obtenir cette couleur-là
et qui prennent un air pincé quand on répond « Rien ! », genre
la fille qui ne veut pas donner ses tuyaux. Et en vérité il n’y a vraiment rien
d’autre à faire que de laisser agir la nature.
Dans ma famille, c’est une
propriété transmise de génération en génération depuis l’arrière- grand-mère.
La « Mémère Clémentine »
qui vivait la plupart du temps avec trois mèches entortillées sur de gros
bigoudis, l’un au sommet du crâne et les deux autres au-dessus de chaque
oreille. Ce qui lui donnait l’allure d’un être arrivant d’une autre planète et
qui nous faisait bien rigoler, moi, mon frère et nos quatre cousins, augmentés
des « gamins de la place ».
Notre maison donnait en effet sur
une vaste place plantée d’arbustes et de massifs qui lui donnait l’aspect d’un
square. Cette place nous servait surtout de terrain de jeux…. Bruyants souvent.
Vacarme qui faisait surgir de la
fenêtre mansardée du second étage une tête de Clémentine furieuse, nous sommant
d’une voix que la colère rendait « pincharde » de cesser
immédiatement de brailler tout en ravageant la place.
« Gibier de potence !
piaillait-elle. Vous finirez sur l’échafaud ! » puisque de toute
évidence nous allions la « faire mourir à petit feu » et de surcroît
« avant l’âge ! ».
L’apparition de Clémentine ornée de
ses trois bigoudis était si réjouissante que la plupart du temps, nous
n’hésitions pas à la provoquer. Les arbustes de la place résistaient tant bien
que mal et d’ailleurs ils sont toujours là. On peut vérifier : c’est à
Nancy, place des Ducs de Bar. On a mis sous son ventre un parking, protégé les
massifs de grilles et notre maison a changé de propriétaires et d’aspect…
Mais je m’égare et nous voici loin
des trois bigoudis de Clémentine. C’est bigoudis qu’elle ôtait pour aller
« en ville ». Et quel spectacle de voir ces splendides ondulations blond
platine enfin libérées se dérouler sur ses épaules. Pas pour longtemps car au
moyen de trois grosses épingles à chignon (trois étant sans doute son nombre
fétiche), elle ramassait ses boucles en un volumineux chignon sur lequel elle
posait un gracieux bibi noir et emplumé. Sa fille était modiste !
Clémentine à la chevelure magique
était pour nous la « Mémère Clémentine » en un temps où l’on
acceptait de se faire appeler Mémère la quarantaine à peine révolue. Sa fille
la modiste qui se prénommait Lucienne, était devenue dès que nous éructions nos
premières syllabes la « Mémère Lulu ». Qui cependant restait Madame
Humbert pour ses clientes, ses fournisseurs et son personnel…. La Mère Humbert
aussi pour pas mal d’autres qui avaient eu la malheur de la contrarier et en
avaient subi les conséquences .
1 commentaire:
Jolie évocation!
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