Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.
A vous, amis des contes, des légendes, des êtres et des lieux étranges; amis des jardins, des champs, des bois , des rivières ; amis des bêtes à poils, à plumes ou autrement faites ; amis de toutes choses vivantes, passées, présentes ou futures, je dédie cet almanach et ses deux petits frères: auboisdesbiches et gdscendu.
Tantôt chronique, tantôt gazette, ils vous diront le saint du jour, son histoire et le temps qu’il vous offrira ; ils vous diront que faire au jardin et les légendes des arbres et des fleurs. Ils vous conteront ce qui s’est passé à la même date en d’autres temps. Ils vous donneront recettes de cuisines et d’élixirs plus ou moins magiques, sans oublier, poèmes, chansons, mots d’auteurs, histoires drôles et dictons… quelques extraits de livres aimés aussi et parfois les humeurs et indignations de la chroniqueuse.
Bref, fouillez, farfouillez, il y a une rubrique par jour de l’année. Puisse cet almanach faire de chacun de vos jours, un Bon Jour.
Et n'oubliez pas que l'Almanach a deux extensions: rvcontes.blogspot.fr où vous trouverez contes et légendes de tous temps et de tous pays et gdscendu.blogspot.fr consacré au jardinage et tout ce qui s'y rapporte.
L’Archevêque Desmond Tutu vient juste de publier un appel
vibrant à la conscience dans un journal israélien. Le prix Nobel, figure
incontournable de la lutte anti-apartheid, se range aux côtés de 1,7 million
d’entre nous, et appelle aux désinvestissements pour contrer l’occupation et la
répression en Palestine. Il incite les israéliens (dont 87% soutiennent les
bombardements de Gaza) à se libérer de ce statu quo terrible. Il faut absolument
le lire.
L’article a été publié uniquement dans un
journal israélien, mais c’est un moyen terriblement efficace de légitimer ce
que certains gouvernements voient encore comme une position controversée -- le
reste du monde doit le voir. Partageons-le avec tout le monde !
Cette campagne est vraiment en train de changer les choses. Le chanteur
Russell Brand a enregistré une vidéo qui soutient notre campagne et les
entreprises que nous visons sont en train de contacter les équipes d’Avaaz et
veulent nous rencontrer. Les Avaaziens du Royaume-Uni sont en campagne pour que
le pays arrête de vendre des armes à Israël, leur gouvernement commençant lui
aussi à émettre des critiques. Plus surprenant encore, même le gouvernement des
Etats-Unis a annulé un convoi
de missiles pour Israël ! C’est une chance extraordinaire pour nous de nous
mobiliser une fois de plus aux côtés de l’Archevêque Tutu, un des rares leaders
profondément non-violent et porteur d’espoir. Parce que dans un monde déchiré
par les extrémistes qui se dénoncent entre eux, la force non-violente est
transformative: elle donne la force d’être ferme, même dur, en défendant la
justice, au nom d’un attachement à toutes les personnes qui refusent de se
sentir victimes de la peur et de l’ignorance, nos deux ennemis universels. Un
attachement qui reconnaît que tous nos destins et libertés sont intimement liés.
C’est l’esprit précieux que nous ont laissé les meilleurs leaders, de Gandhi à
Tutu, et que notre communauté s’efforce de garder à l’esprit à chaque nouvelle
campagne.
Avec espoir, Ricken, Alex, Fadi, Jeremy, Ana Sofia, Ari et
le reste de l’équipe Avaaz.
PS : Cette campagne vise à créer les
conditions d’une paix durable entre Israël et la Palestine, et des foyers sûrs
pour les populations des deux pays. L’antisémitisme comme le racisme
anti-Palestiniens, comme toutes les formes de haine, sont grotesques, dangereux,
et doivent être combattus. Au bout du compte, si les extrémistes des deux côtés
oeuvrent à menacer un avenir de Paix, notre travail est de rassembler les
personnes raisonnables de part et d’autre pour qu’elles se mobilisent pour
sauver Israël comme la Palestine. S’il vous semble que cette campagne est
partiale, vous
pouvez voir ici les réponses et explications de l’équipe Avaaz.
Avaaz est un réseau citoyen mondial de 38
millions de membres qui mène des campagnes visant à ce que les opinions et
les valeurs des peuples influent sur les décisions mondiales. ("Avaaz" signifie
"voix" dans de nombreuses langues). Nos membres sont issus de tous les pays du
monde; notre équipe est répartie sur 18 pays et 6 continents et travaille dans
17 langues. Pour découvrir certaines de nos plus grandes campagnes, cliquez ici ou
suivez-nous sur Facebook ou Twitter.
M le magazine du Monde | • Mis à jour le | Par Ariane Chemin
Elle avait 24 ans, lui 49. Le 16 octobre 1963, l'actrice d'A
bout de souffle épousait l'auteur de La Promesse de l'aube. Des
noces en forme d'énigme qui résistent toujours aux biographes du couple
suicidé.
C'ÉTAIT IL YA QUELQUES ANNÉES. Un Corse avisé m'avait
parlé, presque en baissant la voix, du mariage de Jean Seberg et de Romain Gary,
dans un village posé sur la route d'Ajaccio à Bastia. L'actrice américaine et le
double Prix Goncourt. Les amants magnifiques, le couple suicidé. Mon informateur
se souvenait que c'était en pleine semaine d'école, après la rentrée des classes
et les vendanges catastrophiques de l'année 1963. Il se rappelait aussi que
personne n'avait rien su de ces noces d'amour qui auraient dû faire la « une »
de tous les magazines de France et d'Amérique, du mariage le plus secret entre
la NRF et Hollywood. Il m'avait donné envie de monter à Sarrola.
Cet automne-là, il n'est pas encore le mystificateur Emile Ajar, Fosco
Sinibaldi ou Shatan Bogat, mais déjà l'auteur couronné des Racines du ciel,
ancien combattant des Forces françaises libres et compagnon de la
Libération. Gary (« braise » en russe) a raccroché son blouson d'aviateur pour
des costumes anglais de diplomate. Avec son profil au couteau de peintre, il est
devenu le Méphistophélès du Quai d'Orsay, toujours fidèle à sa croix de
Lorraine. Elle est la Cécile de Bonjour tristesse, dont Godard a
remarqué la coupe garçonne et la manière gracieuse d'allumer sa cigarette ; il
en fait une Patricia qui, dans A bout de souffle, troque la chemise
d'homme et le pantalon corsaire de l'héroïne de Sagan pour un jean skinny et une
marinière qu'elle porte sans soutien-gorge. . « Qu'est-ce que c'est,
dégueulasse ? », demande-t-elle de ses yeux bleus grands ouverts aux
spectateurs des salles obscures. Les filles abandonnent la choucroute de « BB »
et demandent les mêmes cheveux ras que Seberg. Elle est l'icône des Cahiers
du cinéma et de la Nouvelle vague.
Ce sont deux exilés de l'intérieur que, le 16 octobre 1963, Sarrola
accueille incognito dans le registre de sa mairie. Elle a 24 ans, lui 49. Son
pays à elle est celui des plaines du Midwest, des familles puritaines WASP. Lui
est né dans une Vilnius qui faisait encore partie de l'empire russe, trimballé
par la guerre de l'Angleterre à l'Afrique, avant que sa carrière ne l'envoie en
Bulgarie, en Bolivie et en Californie. Ils ont choisi la Corse. Des noces en
forme d'énigme. « Peut-être le point équidistant entre leurs pays à chacun
? », avait demandé mon ami corse.
A PARIS, L'ENQUÊTE BREDOUILLE. Roger Grenier, membre du
très select comité de Gallimard, a connu Camus et Ionesco, Cortazar et Blondin,
Bachelard et Valery Larbaud. A l'occasion du centenaire de la naissance de
Romain Gary, il vient de préfacer Le Sens de ma vie, transcription du
dernier entretien accordé par son ami à Radio-Canada, quelques mois avant son
suicide, en décembre 1980. « Le dernier état de son autobiographie »,
dit-il. Pas davantage de référence, pourtant, à ce mariage fantôme, que
dans Au-delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable ou dans
Chien blanc. « Je crains de ne pas pouvoir vous aider, soupire
dans son bureau le vaillant éditeur de 94 ans. En 1963, je ne fréquentais
pas Romain. Et il ne m'a jamais parlé de ces noces. »
Sous la pluie de livres consacrés à l'écrivain ou à l'actrice, quatorze
mots résument en général la cérémonie : « Le mariage eut lieu le 16 octobre
1963 à Sarrola-Carcopino, en Corse. » Seule Myriam Anissimov, auteure de
Romain Gary, le caméléon, monument biographique élevé en 2004 aux pieds
de l'écrivain, détaille d'un paragraphe l'épisode mystérieux. « Le soir du
mariage, ils dînèrent à l'hôtel Campo dell'Oro, près de l'aérogare, à vingt
kilomètres du village, et repartirent le lendemain en bateau aussi discrètement
qu'ils étaient arrivés. » C'est un établissement pour stewards, hôtesses,
pilotes (comme Gary...) et joueurs de football en déplacement, coincé entre les
pistes de l'aéroport, la route et la voie de chemin de fer. Depuis les balcons,
on croirait que les avions se posent sur la mer, comme de gros goélands.
LE COUPLE S'EST CONNU TROIS ANS AVANT CE MARIAGE, À LOS
ANGELES. Gary et sa femme, l'écrivain Lesley Blanch, recevaient au
consulat de France la jeune actrice et son mari, François Moreuil, un avocat
d'affaires plein d'ambition. A table, Mme Moreuil est timide et sublime dans sa
robe en soie bleu nuit de Givenchy. Le consul général fanfaronne et joue les
matamores, en ancien niçois qu'il fut. Vingt-quatre ans les séparent, leurs yeux
ne se quittent pas. C'est love at first sight. « Vos mocassins sont
superbes ! Permettez-vous que je les essaie ? » provoque Gary en baissant
le regard vers les chaussures de Moreuil, qui s'exécute à la fois interdit et
flatté. Quelques mois plus tard, Jean Seberg entame une procédure de divorce,
qui aboutit en juin 1962, juste avant la naissance de Diego, cet enfant qu'ils
ont tant désiré. Gary se sépare officiellement de son épouse britannique le 5
septembre 1963. Peu de temps avant le mariage incognito dans le village de la
Basse-Gravone.
A l'hôtel Campo dell'Oro, les barmen se souviennent des tournois de bridge
d'Omar Sharif, qui un soir d'ivresse avait offert sa montre de prix à l'un des
leurs, mais pas de l'écrivain ni de l'actrice. Claudine Merli, la propriétaire
de l'établissement, est formelle : « Dans le livre d'or, j'ai Brel,
Brassens, Bécaud, mais pas Seberg et Gary. » Et pour cause : l'hôtel a été
construit en 1969, soit six ans après le mariage. Avec ses biographes, Gary
continue à jouer à cache-cache. Direction Sarrola, avec pour boussole une photo
de la noce, cliché inédit confié par Diego Gary au Mercure de France pour un
album consacré en avril 2014 à Jean Seberg, et qu'il a gentiment accepté de
prêter à « M ».
Diego avait 1 an au moment du mariage. Dans mon sac, j'ai pris son livre, S
ou L'espérance de vie. Le fils de Romain et de Jean a aujourd'hui 52 ans, et je
me souviens de cette image bouleversante : visage fin, cheveux raides, plein de
ce chagrin trop lourd pour ses 18 ans, l'orphelin se tenait seul derrière le
cercueil de son père, dans la cour des Invalides, où la France rendait hommage
au compagnon de la Libération. Sa naissance avait été cachée elle aussi, pour ne
pas froisser les convenances d'Hollywood et du Quai d'Orsay. « Je revois nos
petits déjeuners sur la place de Porto-Vecchio, derrière l'église où mes parents
se sont mariés », écrit-il au détour d'une page. Deuxième fausse piste ?
« C'est un roman », me rassure Roger Grenier au téléphone.
Porto-Vecchio est à trois heures en voiture de Sarrola. Et, dans Le sens de ma
vie, Gary explique qu'il n'a « jamais mis les pieds dans une église
».
ILS SONT SIX SUR LA PHOTO DE DIEGO. Au
milieu, les nouveaux mariés, tels qu'on les devine par la grâce d'un bouquet de
fortune. Jean porte un petit manteau blanc évasé - Dior, peut-être -, jeté sur
une robe qu'on imagine trapèze, comme en raffolent les années 1960. Pas de
voile. Pas de lunettes de star. En 1963, l'actrice a abandonné sa coupe culte
pour la coiffure de Grace de Monaco. Depuis qu'ils vivent ensemble rue du Bac, à
Paris, Romain a fait de sa Jean une ambassadrice de l'élégance française.
Derrière eux, sur le cliché, un muret comme on en voit dans tous les villages
corses, le posatoghju où l'on s'assied, à la tombée du jour, pour
discuter. Il ressemble bien à celui de Sarrola, même s'il paraît plus bas sur la
photo. « Nous l'avons rehaussé il y a cinq ans environ, pour le mettre en
conformité avec les normes de sécurité en vigueur », rassure le jeune
maire, Alexandre Sarrola, qui a succédé à son grand-père, Noël, au terme d'un
mandat historique de soixante ans exactement. Son aïeul pose à la gauche de Jean
Seberg, un poil plus petit que le mètre cinquante-six de l'actrice, sec comme un
sarment de vigne. A sa droite, « le cousin François, qui faisait secrétaire
de mairie », explique le chœur du village venu expertiser la photo
témoin..
Ce 16 octobre 1963, à 14 h 30, « Natale » (Noël, en corse) était
venu chercher le couple à l'aéroport, arrivé par l'une des deux ou trois
caravelles hebdomadaires en provenance de Nice. Puis les a « montés »
lui-même au village, dans sa traction, sur la route creusée de fondrières qui ne
laissait passer qu'une voiture à la fois. Sans doute leur a-t-il fait faire le
tour du village, comme tous les maires de Corse qui veulent convaincre que le
leur est le plus beau. A 16 heures, sur la place déserte où trône le monument
aux morts, monsieur le maire avait ouvert la salle des mariages au couple de
stars, son écharpe tricolore ceinte autour de la taille comme toujours.
Martine Pieri a 86 ans et cinq filles. Depuis la mort de « Noël », c'est la
seule, au village, qui se souvient de cette journée particulière. « J'étais
avec mon pauvre mari et un vigneron dont on était montés voir la vigne. Seul un
tiers du raisin avait pu être pressé, cette année-là, après une saison de chien.
Devant la mairie, je dis : "Tiens, la voiture de monsieur le maire !"
Mais, dans la mairie, Noël me fait signe avec les deux mains de ne pas
entrer », mime-t-elle. Martine Pieri reste sur le muret pour voir sortir
les mariés. « "Ce sont des Russes ?", je demande à Noël, car j'avais vu un
jour un architecte russe qui ressemblait à ce marié que je ne trouvais pas très
beau. "Ce sont des étrangers", a répondu Noël. Un peu plus tard, je
découpe le morceau dans le journal qui raconte le mariage, j'avais la manie de
découper ce qui se passait à Sarrola. "Regarde, Noël", je lui dis,
"voilà la noce de tes étrangers". »
A la mairie, je retrouve l'article de Nice-Matin, plus un autre du
Provençal, taillés avec les ciseaux de Martine. Ils portent la date du
23 octobre, une semaine après le mariage. Magie d'une époque sans smartphone, ni
tweets, ni selfies : aucune photo de la noce ne les accompagne. « Romain
Gary et Jean Seberg tels qu'on aurait pu les voir dans leur découverte d'un
village pittoresque », clame la légende d'un cliché d'archives où le couple
semble en croisière. Sept jours de retard, et pas d'illustr', comme on dit dans
le métier. Jours de France, Paris-Match, tout le monde a raté le
mariage de Jean Seberg et de Romain Gary. Même les paparazzis qui, cette
année-là, ont empoisonné le tournage du Mépris, à Capri.
Seberg et Gary les redoutent plus encore que Bardot. En cet automne 1963,
l'actrice américaine vient de participer, à Washington, à la grande marche pour
les droits civiques des Noirs emmenée par Martin Luther King. Elle a aussi dîné
avec son mari à la Maison Blanche, à l'invitation de John et Jackie Kennedy,
mais elle dérange une Amérique paranoïaque qui - le FBI l'a avoué depuis - va
comploter contre cette alliée des Black Panthers jusqu'à sa mort. Gary, de son
côté, veut éviter de froisser son ex-femme, l'excentrique auteur des Sabres
du paradis. Voilà pourquoi ils ont choisi la Corse. Et fait affaire avec un
maire zitu e mutu, comme on dit sur l'île - taiseux et muet.
Arrangeant, aussi. « Noël ne refusait rien à personne, sourit le
sénateur Nicolas Alfonsi, son allié politique. Si on lui demandait un billet
pour aller sur la Lune, il répondait : je vais réfléchir ». Cet automne-là,
il accepte de ne pas publier les bans « Gary-Seberg » pendant le délai
réglementaire, arguant d'une « urgence à procéder à mariage ».
L'académicien Jérôme Carcopino n'aurait-il pas pu recommander à l'écrivain
ce village facile d'accès dont il est originaire ?, s'était interrogé
Nice-Matin. « Pas du tout. Je n'ai pas vu l'académicien depuis son
passage au village il y a deux ans », avait éludé Noël Sarrola.
Marie-Jeanne Poggiale, dite Mijanou, a une autre idée. L'ancienne institutrice
rappelle que Sarrola abritait un compagnon de la Libération, Joseph
Casile. Prise de Tobrouk, bataille de Bir-Hakeim, campagne de Tunisie… Sa
petite-fille, Sophie Emond-Gonzard, montée passer l'été au village, se souvient
que son grand-père avait rencontré Romain Gary, qui voulait « écrire quelque
chose sur les compagnons de la Libération ». Mais c'était bien après
1963.
IL FAUT REVENIR À LA PHOTO. Le couple à gauche, c'est
Charles et Françoise Feuvrier, les témoins, qui se sont posés avec les futurs
mariés à Ajaccio. Lui est général de division aérienne, ancien du groupe de
bombardement Lorraine des FFL, comme Gary. Il est resté très proche de Charles
de Gaulle. Sa signature et celle de son épouse, à droite sur l'acte de mariage,
c'est un peu l'ombre tutélaire du Général sur les noces. Dans sa biographie,
Anissimov écrit que Feuvrier, l'organisateur de la cérémonie, a bénéficié de la
« complicité » de Sarrola car il était aussi un « ancien combattant
de la France libre ». Dans le canton, tout le monde sait pourtant que
l'ancien maire, radical de gauche rond et consensuel, n'a jamais prétendu à ce
brevet de gloire. « Pendant la guerre il est resté au village sans faire
grand-chose », confirme son ami Paul Leca, le maire de Valle-di-Mezzana, le
village le plus proche. Si le général Feuvrier l'a connu, ce n'est pas à ce
titre.
On n'est jamais loin, avec Romain Gary, de ces réseaux brumeux forgés dans
l'armée des ombres et les méandres des services secrets de la France libre, que
ressuscite la Ve République naissante et dont la Corse va raffoler. Couvert de
médailles, Feuvrier n'est pas un inconnu dans le monde militaire. Il n'y a
d'ailleurs pas laissé que de bons souvenirs. Avant de devenir responsable du
personnel de Peugeot, où la CGT se souvient encore de ses méthodes musclées, il
fut directeur de la sécurité militaire de l'Etat, et chargé, à ce titre, de
faire la guerre en Algérie, à l'OAS, en liaison avec Philippe Massoni. « On
ne peut exclure que Massoni se soit occupé de l'affaire du mariage »,
réfléchit Jean-Charles Marchiani, un autre préfet corse. Joue-t-il les
intermédiaires ? Le général Feuvrier appelle-t-il plutôt le préfet de Corse,
Marcel Turon ? « Papa m'a toujours dit que le mariage de Gary s'était fait
avec un préfet, raconte la fille du maire, Catherine Cerati-Sarrola, née en
1955. Il était bien avec tous. »
« Je vous écrirai un petit mot quand vous pourrez en parler »,
avait lâché Gary à M. Sarrola avant de prendre congé. Mais, cinq jours plus
tard, la presse parisienne finit par avoir vent de l'affaire. L'épicerie du
village est assaillie d'appels. Des journalistes locaux viennent chercher
monsieur le maire à la terrasse du Royal, son repaire ajaccien, et même jusque
dans ses vignes. « Je ne suis au courant de rien... Je n'ai pas célébrrrré
de marrrriage depuis août », commence par assurer l'édile, madré comme un
paysan. Avant de se dédire d'une pirouette : « J'ai été beaucoup plus
discret qu'une urne puisque j'ai tenu cinq jours ! » « Sarrola me donnait
souvent des tuyaux, raconte Pascal Bontempi, à l'époque chef d'agence du
Provençal et correspondant du Figaro dans l'île. Mais
cette fois-là, il ne m'a rien dit. » « Il avait donné sa parole d'honneur à
Romain Gary » sourit le journaliste ajaccien Constant Sbraggia, qui a
cuisiné Sarrola, peu avant sa mort. Le maire était resté laconique, fidèle à son
serment. « Il semblait obsédé par le jeune âge de la mariée », raconte
Sbraggia. Et par l'humeur de son époux : « Gary ne parlait pas, ne souriait
pas, semblant à peine concerné par l'événement. » Détaché. La photo des
noces laisse d'ailleurs une drôle d'impression. Gary a passé un bras autour des
épaules de Jean Seberg. Mais de l'autre main, bravache et potache, il mime avec
deux doigts le V victorieux des libérateurs.
UNE AUTRE CHOSE AVAIT FRAPPÉ LE MAIRE : LE COUPLE SEMBLAIT
PRESSÉ. Arrivés par la caravelle de Nice en début d'après-midi, ils
avaient embarqué sur le Napoléon, qui levait l'ancre pour Nice à 19 h 30 le soir
même. Quelques cabines, des transats sur le pont, et, à fond de cale, des
légionnaires à képis blancs qu'on semblait vouloir cacher. C'est une opération
commando, comme lorsqu'on épouse l'autre, aussi, pour le protéger. A l'époque,
la France gaulliste est au plus mal avec les Etats-Unis. Elle cherche à sortir
du commandement intégré de l'OTAN et à fermer les bases militaires américaines.
Le registre en atteste, Jean Seberg ne dispose d'une autorisation de séjour sur
le sol français que jusqu'à décembre 1963. Gary et Seberg mariés à Sarrola comme
à Las Vegas ou à Reno ?
Dernier regard sur le registre de la mairie avant de quitter le village.
Dans la marge, la mention du divorce en 1970. « Officier de la Légion
d'honneur, compagnon de la Libération, croix de guerre 1939-1945, médaille de la
Résistance... » Gary ne voudra pas de l'Académie française, en 1980, mais
avait fait rajouter ses décorations sur le document, le jour du mariage : ces
médailles-là, il les veut. Le « 3 » de 1963 a été raturé par la jolie écriture
IIIe République de Noël Sarrola. Décidément... Jean Seberg est « domiciliée
à Paris 108 rue du Bac », où elle s'était installée avant son mariage. Ce
n'est pas l'adresse donnée par Romain Gary, découvre avec moi le maire
stupéfait. Lui est noté « demeurant à Sarrola-Carcopino ». Si même
l'acte de mariage est faux...
Avant de reprendre l'avion, je rends visite à l'Ajaccien Jérôme Camilly.
Cet ancien enquêteur d'Antenne 2 a travaillé avec Gary sur une saga des
compagnons de la Libération, un projet qui n'a jamais vu le jour, raconte-t-il
dans Brève escale en Corse, un petit livre tout juste paru chez Colonna
Edition. A lui aussi, Gary avait oublié de parler de son mariage en Corse. Une
anecdote lui revient tout à coup. Etait-ce la fin juin 1979, juste avant que
Jean Seberg ne soit retrouvée morte, enroulée dans une couverture, à l'arrière
de sa voiture ? Ou au mois de juin 1980, quelques mois avant que Gary ne se tire
une balle dans la bouche ? Rue du Bac, l'écrivain demande à Camilly où il va
passer l'été. « En Corse, chez moi », répond le journaliste. « Je
peux venir ? », demande Gary, qui réserve illico une chambre « avec vue
sur la mer » au Sheraton Cap, dans le golfe d'Ajaccio. « Emmène-moi
faire un tour », téléphone-t-il dès son arrivée à Camilly. « J'arrive
avec ma vieille Renault 12, raconte l'Ajaccien. Romain s'assied à côté
de moi - je ne l'ai jamais vu conduire. "Prends le rond-point... Reviens
vers Ajaccio... Tourne à droite... Reprends par là..." Il m'indique la route
à suivre, avec précision. » Les voilà, dix-sept ans plus tard, au village
nuptial. Camilly s'était demandé pourquoi, ce jour-là, Gary s'extasiait tant
devant ce « beau village ». Comme si, sur le chemin de Sarrola,
l'écrivain qui inventait ses vies avait voulu éprouver ses sentiments - leur
part d'imposture, et de vérité. Ou simplement vérifier qu'il n'avait pas
rêvé.
Voyez comme ça se trouve: une amie revient du Grand Ouest Sauvage, ses indiens, ses bisons, ses vertes prairies où galopent des chevaux encore indomptés. Et, admirez la coïncidence , il m'échoit il y a peu un de ces livres dont ne veulent plus les bibliothèques et qui ont coutume de se réfugier chez moi. Un livre destiné aux jeunes et que je n'avais jamais lu et pourtant... des histoires d'animaux, j'en ai dévoré!
Parce que nous autres enfants des Trente Glorieuse, si nous avions à leur début la télévision(et c'était encore rarement le cas), elle n'avait en tout cas qu'une seule chaîne et encore... en noir et blanc. L'ordinateur domestique et internet n'existaient pas et encore moins les jeux vidéo....
Aussi pour meubler les longues soirées d'hiver et les jours maussades des vacances n'avions nous que des livres. De ces livres, enfants qui me liriez par hasard, vous feraient flipper: plus de 300 pages d'une police serrée, pratiquement pas d'images mais nous y arrivions et plus étonnant encore, nous aimions ça !
Et dans ces volumes dont la seule vue vous fait bailler, j'ai découvert et suivi les aventures de Michael chien de cirque et de son frère Jerry (dans l'île) du petit Jody et de son faon et surtout de Lassie la Fidèle, dont par fidélité personnelle j'avais un exemplaire assez remuant à la maison. Des livres arrosés de larmes abondantes qui ont enchanté mes jeudis et mes vacances. Que vaudraient d'ailleurs ces histoires si un drame atroce ne les sous-tendait et dont la fin heureuse nous rendait béats de bonheur.
Eh bien, vous me croirez si vous voulez, mais de toutes ces histoires dont la liste ci-dessus est loin d'être exhaustive, il en est une qui m'avait échappé, c'est celle de Flicka. Flicka la sauvage, l'indomptée que ses origines et son fichu caractère mènent au bord du gouffre.
Le manque est comblé et je ne saurais trop vous engager vous les grands à vous pencher sur son destin et à l'offrir aux plus jeunes. Presque tous aiment les chevaux et rêvent d'en avoir un à eux; voilà une bonne occasion de les inciter à alterner écran et papier imprimé. Qui plus est, le caractère des chevaux, leurs réactions, le débourrage (la bonne et la mauvaise méthode),le métier d'éleveur avec ses aléas et sa rigueur qui parfois choquent ceux qui n'en savent rien, tout est parfaitement décrit...
Flicka galope à jamais dans les vertes prairies du Wyoming; profitez de cet été au climat douteux pour aller la rejoindre...
... sont menacés, persécutés. La France en accueille un certain nombre et elle fait bien.
On nous les montre à leur arrivée fatigués, désorientés mais plus enore bouleversés. Ils ont quitté leur pays, leur vie, et les voici en sécurité certes, mais dans une contrée si différente de celle qui les a vu naître. C'est au nom de leur foi, de leur croyance que ces gens ont du fuir. Pour leur foi, ils ont risqué leurs vies, vu périr nombre de leurs proches et dans le comité d'acceuil, je cherche en vain un membre du clergé, un représentant de cette Eglise qui se veut catholique et donc universelle... Pourquoi?
Mon peu de goût pour les romans n'est pas un secret. Il vaudrait mieux dire, mon peut de goût actuel... parce que je fus une grande lectrice de romans du temps que les écrivains nous faisaient voyager un peu plus loin qu'aux alentours de leur nombril, du temps qu'au lieu ne nous narrer leur quotidienne aventure si semblable à la nôtre, ils savaient créer des personnages aux pérégrinations passionnantes, des personnages dont volontiers nous chaussions les souliers pour faire avec eux un chemin qu'on
aurait bien aimé être le nôtre... du temps des Gary, des Kessel, des Druon, des Troyat, du temps d'Ambre et d'Autant en Emporte le Vent, du temps de jane Austen et d'Eugène Sue... mais la liste n'en finirait pas.
En mémoire de tous ces romans que j'aimais, je continue, imperturbable à ouvrir tout ce qui porte le mot roman inscrit sur sa couverture. Et je l'abandonne bien vite n'ayant souvent pas le courage d'aller jusqu'à la 36° page imposée par les bons éditeurs aux membres des comités de lecture.
J'ai donc vaillament entamé, La Servante Abyssine de Carine Fernandez et... j'ai voyagé dans les pas de Zinesh, la veuve abyssine qui, pour échapper à la misère de son pays natal se fait servante chez les riches.
Et qui de plus riche que les princes et princesses d'Arabie Saoudite?
Sans être allée aussi loin mais pour avoir un peu connu le Maghreb, j'ai retrouvé là les couleurs, les senteurs, la sécheresse des paysages, l'opulence artificielle des jardins intérieurs..
Compris la vacuité des ces vies de femmes qu'on envoie étudier en Europe et qui bardée de diplômes décrochent un avenir de reproductrice oisive dans des palais artificiels; qui entre deux grosseses et encore vaudrait-il mieux dire deux accouchements trompent leur ennui dans les salles de fitness des palaces locaux ou les bras d'un amant caché et là, on comprend mieux leur manque d'énergie à se révolter contre le port de l'abayah....
Donc cette fois, je n'ai pas vu passer la 36° page et à la 179°, Zinesh m'a laissée gourmande encore de ce qui allait lui arriver au seuil d'une vie nouvelle...
Madame Fernandez qui, si j'en crois votre éditeur n'avez écrit que deux romans, celui-ci et la Comédie du Caire, s'il vous plaît, donnez une suite à La Servante Abyssine.
La comtesse de Ségur n'a pas raconté que des histoires de petites filles qui ne peuvent plus guère servir de modèles aujourd'hui. Elle a décrit à peu près toutes les couches de la société de son temps: le Second Empire. Elle avait des préoccupations qui sont encore les nôtres aujourd'hui, le travail le dimanche par exemple.
Sophie de Ségur, (née Rostopchine, elle n'avait garde de nous le laisser oublier), s’est toujours sentie étrangère au « grand monde » qui ne l’a acceptée qu’avec condescendance. Elle admet que ces gens se sentent supérieurs sans comprendre vraiment en quoi. En revanche, ce qu’elle déteste absolument, ce sont les bourgeois et les parvenus ; les gens dont la seule valeur est la richesse. Elle a ce snobisme suprême de préférer un paysan ou un ouvrier au grand cœur et au raisonnement droit, à un riche sans finesse ni éducation. En réaction contre la bourgeoisie d’argent, l’extrême droite chrétienne à laquelle elle appartient, se préoccupe du sort des classes défavorisées. Dans Diloy le Chemineau, le général d’Alban, un des avatars de Fédor Rostopchine son père, et aussi de Philippe de Ségur, (l'oncle de son mari qui fut aide de camp de Napoléon1°),fulmine contre « Messieurs les fabricants » qui ne respectent pas les jours de repos de leurs ouvriers, les empêchant ainsi, et c’est le plus grave, d’aller à la messe.
« - Voyons, mon brave garçon, assois-toi et dis moi quelle est la place qu’on t’a offerte ?
- C’est chez un fabricant de chaussons, monsieur le comte ; on m’offre le logement, le chauffage et deux francs cinquante par journée de travail.
- -De combien d’heures la journée ?
- -Douze heures, monsieur le comte.
-C’est deux de trop. As-tu les dimanches et fêtes ?
- -Ce n’est pas de droit. On peut exiger que je travaille dans les temps pressés.
-Et c’est toujours temps pressés pour MM. Les fabricants. Et les enfants, les occupe-t-on ?
- -Quand ils ont dix ans, monsieur le comte, on leur donne de l’ouvrage à cinquante centimes par jour.
-Le travail est-il fatigant, difficile ?
- -Sauf qu’on est assis tout le temps du travail, ce n’est pas trop dur.
-Et les enfants, travaillent-ils dehors ?
-Non, monsieur le comte, à l’atelier ; ils ne sortent pas.
-Et ont-ils leur dimanche ? peuvent-ils aller au catéchisme, à l’école, dans la semaine ?
-Pas quand on a besoin d’eux.
- Et on aura toujours besoin d’eux….Surtout quand le chef est un homme sans foi ni loi. Je connais ce chef de fabrique, M. Bafont. C’est un gueux qui ne croit à rien, qui ne songe qu’à gagner de l’argent. Il se moque de l’ouvrier et de sa moralité… »
Sophie l'aristocrate fut la grande amie - et peut-être davantage- d'Eugène Sue. Quand ses convictions socialistes envoyèrent en prison l'auteur des Mystères de Paris, elle fut contrainte sous la pression de son entourage de cesser de le recevoir . Que seraient devenues les Petites Filles Modèles si la Comtesse de Ségur avait osé laisser parler son coeur???
Elle aurait aujourd'hui 215 ans. Bon anniversaire, chère Sophie.