A vous, amis des contes, des légendes, des êtres et des lieux étranges; amis des jardins, des champs, des bois , des rivières ; amis des bêtes à poils, à plumes ou autrement faites ; amis de toutes choses vivantes, passées, présentes ou futures, je dédie cet almanach et ses deux petits frères: auboisdesbiches et gdscendu.

Tantôt chronique, tantôt gazette, ils vous diront le saint du jour, son histoire et le temps qu’il vous offrira ; ils vous diront que faire au jardin et les légendes des arbres et des fleurs. Ils vous conteront ce qui s’est passé à la même date en d’autres temps. Ils vous donneront recettes de cuisines et d’élixirs plus ou moins magiques, sans oublier, poèmes, chansons, mots d’auteurs, histoires drôles et dictons… quelques extraits de livres aimés aussi et parfois les humeurs et indignations de la chroniqueuse.

Bref, fouillez, farfouillez, il y a une rubrique par jour de l’année. Puisse cet almanach faire de chacun de vos jours, un Bon Jour.

Et n'oubliez pas que l'Almanach a deux extensions: rvcontes.blogspot.fr où vous trouverez contes et légendes de tous temps et de tous pays et gdscendu.blogspot.fr consacré au jardinage et tout ce qui s'y rapporte.

mardi 31 mars 2015

L'âme des poètes


Le condamné à mort

Pardonnez-moi, mon Dieu, parce que j'ai péché!
Les larmes de ma voix, ma fièvre, ma souffrance,
Le mal de m'envoler du beau pays de France,
N'est-ce assez, mon Seigneur, pour aller me coucher
Trébuchant d'espérance

Dans vos bras embaumés, dans vos châteaux de neige!
Seigneur des lieux obscurs, je sais encore prier.
C'est moi, mon père, un jour, qui me suis écrié:
Gloire au plus haut du ciel au dieu qui me protège,
Hermès au tendre pied!

Je demande à la mort la paix, les longs sommeils,
Le chant des séraphins, leurs parfums, leurs guirlandes,
Les angelots de laine en chaudes houppelandes,
Et j'espère des nuits sans lunes ni soleils
Sur d'immobiles landes.

GENET

lundi 30 mars 2015

LUSTUKRU!!

(C'est le cas de le dire...)


Au lieu de manger gloutonnement sa soupe, comme le font les enfants ordinaires, le jeune Johannes Gutenberg (1400-1468), qui était un génie, eut l'idée d'assembler habilement les petites pâtes à potage inventées deux siècles plus tôt par Ernesto Buitoni (1178-1253) et de s'en servir pour imprimer des livres.
CAVANNA, Almanach 1985



samedi 28 mars 2015

Avant le printemps



Les feuilles s'en vont, les feuilles reviennent.... L'écorce reste


mardi 24 mars 2015

Histoires d'eau...


LE SAVIEZ-VOUS ?

 La prochaine fois que vous vous laverez les mains et que vous trouverez la température de l'eau pas vraiment agréable, ayez une pensée émue pour les anciens...







Retournons au XV° siècle :



La plupart des gens se mariaient en juin, parce qu'ils prenaient leur bain annuel en mai et se trouvaient donc encore dans un état de fraîcheur "raisonnable" en juin.
 Mais évidemment, à cette époque, on commençait déjà à puer légèrement et c'est pourquoi la mariée tentait de masquer un tant soit peu son odeur corporelle en portant un bouquet.
C'est à cette époque qu'est née la coutume du bouquet de la mariée.  Résultat de recherche d'images pour "bouquet de mariée"

 
 Pour se baigner, on utilisait une grande cuve remplie d'eau très chaude.
 Le Maître de maison jouissait du privilège d'étrenner l'eau propre ; suivaient les fils et les autres hommes faisant partie de la domesticité puis les femmes et enfin les enfants... 
Les bébés fermaient la marche. À ce stade, l'eau était devenue si sale qu'il aurait été aisé d'y perdre quelqu'un... D'où l'expression « Jeter le bébé avec l'eau du bain » !


En ces temps-là, les maisons avaient des toits en paille, parfois même la maison n'était qu'un toit.
 C'était le seul endroit où les animaux pouvaient se tenir au chaud.
 C'est donc là que vivaient les chats et les petits animaux (souris et autres bestioles nuisibles), dans le toit.
Lorsqu'il pleuvait, celui-ci devenait glissant et il arrivait que les animaux glissent hors de la paille et tombent du toit.
 D'où l'expression anglaise " It's raining cats and dogs " ("Il pleut des chats et des chiens").

 Pour la même raison, aucun obstacle n'empêchait les objets ou les bestioles de tomber dans la maison.
 C'était un vrai problème dans les chambres à coucher où les bestioles et déjections de toute sorte s'entendaient à gâter la literie.
 C'est pourquoi on finit par munir les lits de grands piliers afin de tendre par-dessus une toile qui offrait un semblant de protection.
Ainsi est né l'usage du ciel de lit ; bien évidemment, les plus pauvres devaient s'en passer...







À cette époque, on cuisinait dans un grand chaudron perpétuellement suspendu au-dessus du feu.
Chaque jour, on allumait celui-ci, et l'on ajoutait des ingrédients au contenu du chaudron.
 On mangeait le plus souvent des légumes, et peu de viande.
 On mangeait ce pot-au-feu le soir et laissait les restes dans le chaudron.
 Celui-ci se refroidissait pendant la nuit et le cycle recommençait le lendemain.
 De la sorte, certains ingrédients restaient un bon bout de temps dans le chaudron...
Les plus fortunés pouvaient s'offrir des assiettes en étain.
Mais les aliments à haut taux d'acidité avaient pour effet de faire migrer des particules de plomb dans la nourriture, ce qui menait souvent à un empoisonnement par le plomb (saturnisme) et il n'était pas rare qu'on en meure.
 C'était surtout fréquent avec les tomates ce qui explique que celles-ci aient été considérées pendant près de 400 ans comme toxiques.
Le pain était divisé selon le statut social.
 Les ouvriers en recevaient le fond carbonisé, la famille mangeait la mie et les hôtes recevaient la croûte supérieure, bien croquante.







Pour boire la bière ou le whisky, on utilisait des gobelets en plomb.
Cette combinaison mettait fréquemment les buveurs dans le coma pour plusieurs jours !








Et quand un ivrogne était trouvé dans la rue, il n'était pas rare qu'on entreprenne de lui faire sa toilette funèbre.
 Il restait ainsi plusieurs jours sur la table de la cuisine, où la famille s'assemblait pour boire un coup en attendant que l'olibrius revienne à la conscience : d'où l'habitude de la veillée mortuaire.


La Grande-Bretagne est en fait petite et à cette époque, la population ne trouvait plus de places pour enterrer ses morts ;du coup, on déterra des cercueils et on les vida de leurs ossements qui furent stockés dans des bâtiments ad hoc afin de pouvoir réutiliser les tombes.

Mais lorsqu'on entreprit de rouvrir ces cercueils, on s'aperçut que 4 % d'entre eux portaient des traces de griffures dans le fond,ce qui signifiait qu'on avait enterré là quelqu'un de vivant.


 
Dès lors, on prit l'habitude d'enrouler une cordelette au poignet du défunt reliée à une clochette à la surface du cimetière ; et l'on posta quelqu'un toute la nuit dans les cimetières avec mission de prêter l'oreille et c'est ainsi que naquit là l'expression  « sauvé par la clochette ».


C'est une grenouille en marbre sculptée sur un bénitier à l'entrée de la cathédrale de Narbonne qui est à l'origine de l'expression imagée grenouille de bénitier.


samedi 21 mars 2015

c'est juste le soleil qui se lève....



 Inutile d'appeler les pompiers!

vendredi 20 mars 2015

Rut et meurtre

L'explosion du printemps me fait peur, un peu plus chaque année. Sauvagerie, violence, férocité, lutte implacable, croissance folle de l'herbe et des branches, rut et meurtre.
J'ai longtemps cru que j'aimais le printemps et ses triomphes, le grand terrible soleil de l'été, les automnes de cuivre, les hivers de neige, que j'aimais ça et que je détestais la pluie, la boue, le ciel gris, l'été pourri, l'hiver sans flocons. J'étais une victime de la littérature.
Je sais maintenant que j'aime les jours douceâtres où le soleil ne paraît pas, où l'horizon est la jointure de deux paupières qui ne se décolleront pas, où la terre gorgée d'eau s'enfonce sous le pied et le tire à elle, où le grand ciel tragique s'effiloche en lambeaux qu'étire un vent tiède au ventre mou, où les arbres nus gesticulent immobiles, coulures d'encre noire en avant-plan, les jours où l'infinie tristesse des choses me prend dans ses deux mains très douces, et pleure avec moi, et me dit que pleurer est bon. Je sais que c'est parce que l'âge est venu de ces choses. Et alors? Se prive-t-on à vingt ans de l'amour parce qu'on sait que vingt ans est l'âge où les glandes vous poussent à l'amour?

François CAVANNA - Almanach 1985

mercredi 18 mars 2015

Francophonie...

En réponse  à ceuzécelles qui pour mon billet on dit et toi. tufékoi? voici ma participation...
Vous avez le droit de mieux faire... Cépadur..


DIMOIDIMO 

Sereine et dépitée,
Je me rendais à la kermesse
Songeant, il faut les retrouver ;
Nous sommes encore loin de l’été
Et qui l’eût cru :
Tous les oiseaux ont disparu !
Vous en êtes marrie, Madame,
Mais attention ! Pas d’amalgame !
Si les oiseaux ont disparu,
C’est que des braconniers sans  âme
Et sans pitié,
Les ont ciblés !
Madame en cherchant les oiseaux
Voilà que vous avez trouvé
Des trucs en plume , des gris-gris :
Un cas de sérendipité.
« Que dites-vous ? Sérendi… quoi ?
Je ne connais pas ce mot-là !
-Ce n’est pas grave, mais sur Wiki allez chercher…
Ah ! Bravo, vous l’avez trouvé !
Vous savez maintenant ce qu’il est.
Vous n’avez pourtant pas trouvé
Les petits oiseaux envolés.
Loin… loin… là-bas chez les Inuits
Dans les vastes déserts glacés…
J’ai bien du mal à terminer
Cette poésie un peu kitsch…
Donnez-moi donc un peu de kirsch ;
Je prendrai lors de l’altitude,
Retrouverai la zénitude

Et tous les oiseaux envolés…
.

mardi 17 mars 2015

Voulez-vous jouer avec Môâ...????

L'idée vient de la Rose des Vents... La Rose des Vents c'est une librairie, dans une petite ville.... Un librairie qui rame, comme beaucoup, mais qui a choisi d'y faire un lieu de rencontres, de partages; des lectures, des signatures et cette semaine, semaine de la francophonie de lancer un défi: écrire un texte comprenant les mots suivants:
AMALGAME, 
BRAVO,
CIBLER, 
GRIGRI,
INUIT,
KERMESSE,
KITSCH,
SERENDIPITE,(sérendipité)
WIKI,
ZENITUDE.

Et parce que ce serait trop simple, une contrainte supplémentaire, introduire la phrase:
Les oiseaux ont disparu.

Nous autres rendrons notre copie le 24 mars devant un verre...
Et si le coeur vous en dit, j'y ajouterai ceux que vous nous offrirez.

A vous de jouer! 


lundi 16 mars 2015

L'âme des poètes, (encore elle)

Résultat de recherche d'images pour "cafetière cona"



Décidément, les poètes abondent dans la famille, et leurs oeuvres me parviennent en grappes... Ici c'est un cousin éloigné qui regarde la cafetière avec impatience...

"Jusques à quand Catilina..."
Tonnait le tribun somnifère:
Ainsi, chacun dans notre sphère;
Pensions- nous autour du Kona.
-Tout passe, hélas! Il faut s'y faire,
L'âge fuit, mais..."jusques à quand?;
Chacun temporise et diffère
Et se débat dans un carcan;
Tout passe, tout finit, tout tombe
Drainé vers le fatal Rond-Point;
Oui, tout passe ainsi qu'une trombe:
Seul ce café ne passe point.

De même, aux noces de Cana
L'eau fut du vin, la belle affaire
De ne pouvoir même pas faire
Avec de l'eau que chacun a 
Ce moka que chacun préfère
Et dont l'arôme provoquant
Grisait, sous nos nez l'atmosphère

"France, ton café fout le camp"
Disait un roi à sa palombe
Mais j'en sais un qui, sur ce point
Est plus immobile que tombe
Car, ce café ne passe point!

Mais il fume comme l'Etna
Il souffle comme un mammifère;
On le secoue, on le transfère
Le cajole comme une Donna!
En vain on suppute, on confère
Autour du trop noir délinquant...
Trompant l'heure soporifère
Chacun devient plus éloquent;
L'oeil s'ouvre, le thorax se bombe, 
Avec le temps un espoir point
... Hélas! tout cet effort succombe:
Non!... ce café ne passe point.

Lors plus ardent que Catinat
Et plus svelte qu'un conifère
Empoignant la double hémisphère
Tu t'enfermes au cadenas
Dans ton antre tu vocifères:
Quel sabbat Seigneur, quel boucan
On dirait d'un cheval qu'on ferre
Puis, plus éruptif qu'un volcan
Soudain tu reparais en bombe
Le plateau servi sur un poing
L'autre cambré sur une lombe
"Hein, ce café ne passe point?"

ENVOI-

Il est passé! Je le profère
Prince des cafés capricants
Mais va dire à son fabricant
Qu'il vende avec un léthifère
Car si mon esprit l'évoquant
A tout moment, dans tous les coins
En pensée ne peut s'en défaire
... Ce café ne passera point

Jacques Reynaud Flavigny 19...



dimanche 15 mars 2015

LUSTUKRU

Trouvé dans Nos Loisirs décembre 1907 :



« La reine Maud de Norvège est très habile à sculpter le bois, et fait des pipes aux amis de son mari. »

samedi 14 mars 2015

L'âme des poètes

Un poète ignoré que je viens de découvrir: mon grand-père. Il est mort en 1924, juste rentré de la guerre, qu'il n'avait pas aimée. Il n'avait pas 35 ans.
Je lis que ce poème a été récupéré d'un manuscrit détruit dans l'incendie de Brin-sur-Seille, son village natal. Le manuscrit s'intitulait "Javelles et Brindilles".





-Au Pays de la Seille

Les Faucheurs

Le chaud soleil de juin a flétri les prairies.
Les boeufs, en sommeillant, hument l'odeur des foins, 
Car le parfum des prés, au fond des métairies,
Pénètre avec la brise, embaumant tous les coins.

Avant l'aube levés, le coeur joyeux, alertes,
Par bande les faucheurs s'en vont à leur travail.
Ils coupent l'herbe mûre en longues lignes vertes
Où le métal des faux a l'éclat de l'émail.

Je suis, dans leur labeur, ces rudes faucheurs d'herbes
Dont la faulx brille comme un tranchant nonpareil,
Car ils semblent des dieux, - ces paysans superbes -, 
Qui coupent, dans les foins, des tranches de soleil!

(Juin 1914) Paul HUMBERT



jeudi 12 mars 2015

L'âme des poètes: Félix Arvers

 Avec un seul sonnet, il a pris place auprès des plus grands. Qui était Félix Arvers et qui était celle à qui il n'avoua jamais son amour, sauf en quatorze vers à jamais immortels?
Ami de Musse, clerc de notaire et auteur de quelques comédies légères, une maladie de la moëlle épinière l'empêcha de vieillir. Il est mort un 7 novembre de 1850 et depuis repose à Cézy dans l'Yonne.
Qui fut la bien-aimée? Des noms plus ou moins connus ont été suggérés sans certitudes. Peut-être était-elle la femme idéale qu'il désespérait de rencontrer un jour...


Mon âme a son secret, ma vie a son mystère:
Un amour éternel en un moment conçu.
Le mal est sans espoir, aussi j'ai du le taire, 
Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

Hélas! J'aurai passé près d'elle inaperçu,
Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire,
Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre,
N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.

Pour elle, quoique Dieu l'ai faite douce et tendre,
Elle ira son chemin, distraite, et sans entendre
Ce murmure d'amour élevé sur ses pas;

A l'austère devoir pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers tout remplis d'elle:
"Quelle est donc cette femme?" et ne comprendra pas....

Image Hélène Schierfbeck

mercredi 11 mars 2015

Mesdames, je vous le dis, vous êtes épatantes.


Le mâle se trouve dans le coin droit de l'image. 

Et le puzzle ici :


 Claude

Couple d’Argiope pulchella, des araignées du genre Argiope 
présentes de l'Inde à la Chine et sur l'île de Java. 
Elles construisent des toiles avec des stabilimenta en zigzag. 
Cette espèce a un abdomen pentagonal.
Le mâle est visible en haut, au bout de la patte de la femelle. 
Il émet des vibrations sur la toile pour attirer la femelle.






mardi 10 mars 2015

Lire et relire

LE LYS DE BROOKLYN (extrait)


Il était deux heures. La bibliothécaire devait être rentrée, après son déjeuner. Goûtant d’avance le plaisir qu’elle se promettait d’une prochaine lecture, Francie rebroussa chemin et s’en alla vers la Bibliothèque.
La Bibliothèque se trouvait dans un petit bâtiment ancien et sordide ; mais Francie le trouvait magnifique. Ce qu’elle éprouvait pour la Bibliothèque ressemblait un peu à ce qu’elle éprouvait à l’église. Elle poussa la porte et entra. Oh ! Qu’elle aimait l’odeur du lieu, mélange de vieilles reliures, de cuir, de colle et de tampons encreurs ! Elle la préférait peut-être à celle de l’encens qu’on brûlait à la grand-messe.
Elle croyait que tous les livres de la terre se trouvaient ici réunis et elle avait formé le projet de lire tous les livres. Elle lisait à la cadence d’un volume par jour, en suivant l’ordre alphabétique, et sans sauter les moins intéressants. Elle se rappelait que le premier auteur qu’elle eut jamais lu s’appelait Abbott. Il y avait longtemps déjà qu’elle lisait un livre par jour, et elle n’en était encore que dans les B. Elle avait déjà lu des ouvrages traitant des bêtes et des buffles, de vacances aux îles Bermudes, et d’architecture byzantine. Quel que fût son enthousiasme de néophyte, elle était forcée de convenir que certains B lui avaient paru bien arides ; mais Francie était une vraie lectrice ; elle lisait tout ce qui lui tombait sous la main : des niaiseries, des œuvres classiques, les indicateurs de chemin de fer, les prix courants de l’épicier. Certaines de ces lectures l’avaient littéralement émerveillée ; Louisa Alcott, par exemple. Elle projetait de relire une seconde fois tous les livres, quand elle serait arrivée à la lettre Z.
Le samedi n’étant pas un jour comme les autres, Francie se régalait, ce jour-là, à lire un livre pris en dehors de l’ordre alphabétique. Elle priait la bibliothécaire de lui en recommander un.
Quand elle fut entrée et qu’elle eut refermé sans bruit la porte derrière elle, comme il convient de faire dans un tel lieu, elle jeta un coup d’œil sur le petit pot d’un brun mordoré placé tout au bout du pupitre de la préposée. Le petit pot renseignait toujours sur la saison : en automne, il contenait des brindilles de douce-amère ; et à Noël, c’était du houx. Même quand il y avait encore de la neige, Francie savait que le printemps allait venir quand elle voyait dans le petit pot des chatons de saule. (Francie vit à Brooklyn et la seule verdure qu’elle peut voir est un arbre qui pousse tant bien que mal entre les pavés de la cour de son immeuble). Qu’y avait-il dans le petit pot, ce samedi de l’été 1912 ? Pour se faire une surprise, Francie ne leva les yeux que très lentement, le long des tiges vertes des feuilles rondes, et elle vit… des capucines ! Rouges, jaunes, dorées, même des blanches. Spectacle si merveilleux qu’elle en eut presque mal entre les deux yeux. Une chose dont on garde le souvenir sa vie entière.
Elle se dit sur le champ : « Quand je serai grande, j’aurai un bol brun comme celui-là, et, en août, pendant les chaleurs, j’y ferai tremper plein de capucines ! »
Elle avait mis sa main sur le bord du bureau poli ; elle en aimait le doux contact ; elle regardait la belle rangée de crayons fraîchement taillés, le carré vert du buvard propre, le pot ventru plein de colle de pâte, le tas bien équarri des fiches, les livres récemment rentré qui attendaient d’être remis dans les rayons. Le crayon spécial, objet remarquable qui portait un petit tampon dateur, était placé à part, près du bord du buvard.
« Oui. Quand je serai grande, que j’aurai un chez-moi, je n’y mettrai ni chaises de peluche, ni rideaux de dentelles, rien de tout ça ! Pas de ficus non plus avec ses feuilles en caoutchouc verni ! Mais un pupitre comme celui-ci, dans mon salon, des murs tout blancs, un buvard vert, changé tous les samedis soir, une rangée de crayons jaunes bien luisants, toujours taillés, prêts à écrire, et un bol mordoré avec une fleur, ou bien quelques feuilles, ou bien des baies rouges. Et des livres, des livres, des tas de livres !… »
Elle choisit son livre pour le dimanche ; elle ne savait lequel , mais il était d’un certain Brown. Francie se disait qu’il y avait des mois qu’elle lisait des livres écrits par des auteurs appelés Brown. Quand elle pensait en avoir fini avec ce nom là, elle découvrait que le rayon suivant débutait encore par des Brown. Après Brown, ce serait Browning. Francie s’impatientait un peu; elle avait hâte d’en arriver aux C, où il y avait un livre de Marie Corelli dans lequel elle avait jeté un coup d’œil et qui lui avait paru palpitant. Y arriverait-elle jamais ? Peut-être ferait-elle bien de s’imposer de lire deux volumes par jour.
Il y avait longtemps qu’elle se tenait debout devant le bureau quand la bibliothécaire daigna s’apercevoir de sa présence et s’occuper d’elle. La dame lui fit « oui ? » d’un air désagréable :
« Je voudrais celui-ci, s’il vous plaît ! »
Francie poussa le livre devant elle, ouvert à la dernière page, la petite carte déjà tirée de sa pochette. Les bibliothécaires avaient habitué les enfants à présenter leurs livres de cette façon-là. Ce la leur épargnait d’ouvrir chaque jour des centaines de livres, de retirer d’autant de pochettes des centaines de petits cartons.
La dame prit la fiche du livre, y mit le cachet, la glissa dans la fente aménagée dans le couvercle du pupitre. Puis elle tamponna la carte de Francie et la lui tendit. Francie la prit, mais demeura là, immobile.
« Oui ? fit encore la dame sans prendre la peine de lever les yeux.
-Pourriez-vous recommander un bon livre pour une petite fille ?
-Quel âge ?
-Onze ans. »
Francie posait chaque semaine la même question, et chaque fois la bibliothécaire lui disait la même chose. Un nom sur une carte, cela n’avait aucun sens pour la dame, et, comme elle ne levait jamais les yeux sur un visage d’enfant, elle n’en était jamais arrivée à connaître la petite fille qui choisissait un livre par jour, et deux le samedi. Un sourire eut été pour Francie une grande faveur. Quelques mots aimables l’eussent rendue bien heureuse. Elle aimait la Bibliothèque ; elle eut voulu adorer la dame qui la dirigeait. Mais la dame avait d’autres soucis. D’ailleurs, elle détestait les enfants.
Francie tremblait d’appréhension à la voir glisser le bras sous son pupitre. Dès que le livre cherché apparut elle déchiffra le titre : Si j’étais roi, par Mac Carthy. Titre merveilleux ! La semaine dernière, elle avait eu Beverly of Graustark, et le même aussi, deux semaines plus tôt. Le Mac Carthy, elle ne l’avait encore eu que deux fois. La bibliothécaire ne cessait de recommander ces deux livres-là. Peut-être étaient-ce les deux seuls qu’elle eut jamais lus. Ou bien figuraient-ils sur une liste spécialement recommandée ? A moins que la dame eut vraiment découvert qu’ils étaient lecture de tout repos pour une fillette de onze ans.
Ses livres bien serrés contre elle, Francie se hâta de rentrer, résistant à la tentation de s’asseoir sur le premier perron rencontré et d’y commencer sa lecture.
Elle arriva enfin. L’instant était venu, le merveilleux instant qu’elle avait impatiemment attendu toute la semaine : l’heure de s’asseoir sur l’escalier de secours. Elle étendit d’abord un bout de tapis sur le palier de fer, alla chercher l’oreiller sur son lit, l’appuya contre les barreaux. Par bonheur, il y avait de la glace dans la glacière ; elle en brisa un petit bout, le mit dans un verre d’eau. Les gaufrettes à la menthe achetées à l’Uniprix furent mises dans un petit bol, tout fêlé, mais d’un si beau bleu ! Francie rangea le verre, le bol et son livre sur l’appui de la fenêtre, sortit et gagna l’échelle de fer. Une fois là, elle était dans l’arbre, elle habitait pour ainsi dire dans un arbre. Personne, dessus, dessous ou en face, ne pouvait plus la voir. Mais elle, à travers les feuilles, elle voyait tout ce qui se passait…..
….Francie, donc, humait l’air chauffé, observait les ombres dansantes, mangeait ses bonbons, supait une gorgée d’eau glacée ; tout cela, sans cesser de lire :
O mon amour, si j’étais roi…
L’histoire de François Villon était plus belle à chaque lecture. Parfois, Francie se faisait du souci, craignant que le livre se trouva perdu à la Bibliothèque, et qu’elle ne pût plus jamais le relire. Un jour, elle avait entrepris de le copier de sa main, sur un petit carnet de deux sous. Elle désirait tellement avoir un livre à elle qu’elle se disait qu’en copier un calmerait son envie. Mais les pages écrites au crayon ne ressemblaient pas à celles du livre ; elles n’avaient pas non plus la même odeur ; Francie avait abandonné. Pour se consoler, elle avait fait vœu, quand elle serait grande, de travailler beaucoup, d’épargner de l’argent et de s’acheter tous les livres qu’elle aimait.
Tandis qu’elle lisait ainsi dans l’arbre, en paix avec le monde, heureuse comme peut l’être une petite fille nantie d’un beau livre, d’une provision de bonbons, et solitaire, l’ombre du feuillage tournait lentement autour d’elle ; l’après-midi s’écoulait…..

Betty SMITH Le lys de Brooklyn

lundi 9 mars 2015

dimanche 8 mars 2015

L'âme des poètes


Pourquoi courez-vous tant, inutiles pensées,
Après un bien perdu qui ne peut revenir?
Quoi! ne savez-vous pas, chimères insensées,
Que d'un plaisir perdu triste est le souvenir?

DURAND

vendredi 6 mars 2015

La vie d'artiste...




Vers les années 1900, le célèbre pétomane azerbaïdjanais Ylvafer Yllafeh pouvait, d'un seul pet, éteindre une bougie à une distance de cinq mètres. Puis on inventa la lumière électrique et il mourut dans la misère.

CAVANNA -  Almanach 1985.

mardi 3 mars 2015

Ah ! la vache!!! copié sur bureau souvenirs en vrac

Il y a quelques jours, je m'indignais ici-même à propos de l'ablation des cornes des vaches... mais je n'avais pas pensé à tout.
Certes, c'est une sottise mais pis encore, c'est indigne.
Les cornes sont le seul moyen de défense des bovins contre leurs prédateurs. 
Vous allez me dire, les chevaux n'en ont pas. Mais les chevaux ont des sabots et ils savent s'en servir; ils sont plus souples que les vaches et leurs ruades sont parfois mortelles. La vache ne rue pas ou si peu. Les chevaux cabrés, jouent du sabot et là encore peuvent se révéler dangereux; la vache ne le fait pas. Et puis, autre moyen de défense du cheval, la fuite, Son galop est rapide; celui de la vache n'a jamais fait la gloire des champs de courses. La vache non plus ne saute pas une haie comme fait le cheval... certes, elle la défonce ce qui n'empêche pas son prédateur de la suivre.
Donc, le vache écornée est sans défense et ne peut compter que sur l'humain pour la protéger.
Cet humain qui pour être seul à pouvoir la bouffer tente d'éradiquer les autres prédateurs. Et il n'y arrive pas; car les loups reviennent et les ours aussi, Ils rétablissent ainsi un équilibre nécessaire à l'environnement, puisque ours et loups , prudents ne fréquentent nos troupeaux  qu'en cas d'absolue nécessité, En éliminant les plus faibles de leurs proies habituelles ils contribuent à entretenir  la vigueur des cervidés. Cervidés qui, sans prédateurs prolifèrent au détriment des cultures et des forêts.
Les loups, ours et autres lynx sont donc utiles à l'équilibre naturel.... et ... il peut arriver qu'ils s'aventurent près des pâturages. Là, les troupeaux n'étant plus gardés par chiens et bergers mais par un fil électrique qui n'effraye qu'une fois le fauve, la vache est en danger. Danger moindre s'il lui reste des cornes pour se défendre.
Paysans éleveurs, réfléchissez bien à ce que vous faites... Vous dites aimer vos vaches? mais vous ne les respectez pas. Une vache sans cornes n'est plus un animal mais un futur bifteck, une poche à lait, beurre et fromage.
Au lieu de s'évertuer à altérer tout un cheptel, pourquoi ne pas remettre à l'honneur le si beau métier de berger? Un métier rude certes mais auquel les moyens actuels pourraient apporter pas mal de confort.

dimanche 1 mars 2015

Sémantique

Monsieur Jourdain s’extasiait sur la langue turque, qui dit tant de choses en si peu de mots. La langue scientifique n’est pas inférieure au turc sous ce rapport.
Ainsi, les physiologistes désignent par le seul mot d’otodactylomanes, les gens qui se nettoient l’oreille avec le petit doigt ; par le mot d’onyxophagomanes, ceux qui ont la mauvaise habitude de se ronger les ongles ; par le mot de kirskatoepsomanes, les jeunes gens qui tirent sans cesse leur ombre de moustache pour la faire pousser.
Après l’adoption de cet ingénieux vocabulaire et la redoutée réforme de l’orthographe , Voltaire pourrait sortir de sa tombe et chercher parmi les hommes la belle langue française ; il ne la reconnaîtrait pas.